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Petit Brahms - grand Schumann

Vienna
Konzerthaus
10/10/2019 -  et 8 (Bruxelles), 13 (Berlin) octobre 2019
Johannes Brahms: Sonate pour clarinette et piano n° 1, opus 120 n° 1
Alban Berg: Quatre pièces pour clarinette et piano, opus 5
Jörg Widmann: Fantaisie pour clarinette solo – Sonatine facile pour piano
Franz Schubert: Impromptus, D. 899: 1. Allegro molto moderato
Robert Schumann: Fantasiestücke, opus 73

Jörg Widmann (clarinette), Mitsuko Uchida (piano)


M. Uchida (© Decca/Justin Pumfrey)


La soirée commençait plutôt difficilement: l’Allegro appassionato initial de la Première Sonate pour clarinette de Brahms se trouvait emprisonné dans un tempo inconfortable, à la fois trop lent pour aérer les textures, et pourtant trop rapide pour y imprimer un poids émotionnel. Les tenues du clarinettiste Jörg Widmann sonnent plat, presque inexpressives – les traits de la pianiste Mitsuko Uchida souffrent de quelques inexactitudes – donnant l’impression que les musiciens ânonnent la structure de la pièce de manière inintelligible. Une première éclaircie apparaissait dans les modulations de la partie centrale de l’Andante un poco adagio, créant une atmosphère chaleureuse et mélancolique. L’Allegretto grazioso prenait ensuite une vigueur populaire doucement dansante, un peu à la façon d’un ländler, avant de passer à un Vivace pointilliste et élégant, à défaut d’être parfaitement maîtrisé.


Il suffisait de comparer cette introduction, à peine passable, avec la conclusion enfiévrée offerte dans les Fantasiestücke de Schumann, propulsée par un engagement sans retenue, pour saisir les étapes de la transformation du récital. Des appuis agogiques purement schumaniens illuminent la lecture, faisant passer de la rêverie à la fougue sans crier gare; la lenteur est assumée, habitée entre chaque note – la vivacité nullement appesantie par des considérations instrumentales. Difficile de résister à ce torrent musical libératoire sans bondir hors de son siège.


Entre Brahms et Schumann, il y eu tout d’abord les pièces de Berg: rien de tel que ces quelques miniatures pour remettre en selle les interprètes, qui semblent s’épanouir dans la rareté des notes et y démontrer une maîtrise de la structure et des étagements de climats musicaux. Ainsi, le Sehr langsam est certes méditatif, mais poussé vers l’avant par les évolutions de la partition alors que le Langsam est immobile, extatique dans un sens quasi messiaenesque.


Jörg Widmann est connu (peut-être avant tout) comme compositeur, et deux de ses pièces étaient représentées: la Fantaisie pour clarinette solo d’une part, une composition de 1993, qui expose un éventail fascinant et pyrotechnique des possibilités de l’instrument et emporte l’enthousiasme du public; la Sonatine facile pour piano, créée en 2017 par la pianiste japonaise, repose quant à elle sur d’amples citations de la Sonate K. 545 de Mozart: les ruptures de tons incessantes, son caractère à demi-sérieux proche d’une improvisation en font une œuvre certes plaisante, mais assez prévisible et qui finalement laisse assez peu de traces sur l’auditeur. Dans ces deux compositions, indépendamment de leur valeur intrinsèque, les interprètes sont impeccables.


L’Impromptu D. 899 de Schubert permettait de retrouver Mitsuko Uchida dans son cœur répertoire, confirmant une fois son plus son intime connaissance du compositeur: des rubatos à peine marqués, parfaitement intégrés, soulignent avec pudeur chaque nuance sans altérer l’écoulement du flux musical; les répétitions de notes prennent une dimension mystique; les fortissimos remplissent l’espace avec une puissance compacte, contenue et rageuse.


Une impression reste évidente tout au long de ce récital, celui d’un amour et d’un respect de la musique, venant irriguer chaque note, chaque silence et qui se loge dans le cœur des auditeurs.



Dimitri Finker

 

 

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