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Rêve nocturne en musique

Prades
Codalet (Abbaye Saint-Michel de Cuxà)
08/05/2019 -  
Joseph Haydn: Quatuor à cordes n° 63 «L’Alouette», opus 64 n° 5 (#)
Henri Dutilleux: Ainsi la nuit (&)
Luigi Dallapiccola: Piccola musica notturna
Ludwig van Beethoven: Trio avec piano n° 5 «Des esprits», opus 70 n° 1 (*)

Jean-Louis Capezzali (hautbois), Isaac Rodriguez (clarinette), Peter Schuhmayer, Ulf Wallin (*) (violon), Roberto Diaz (alto), Patrick Demenga, Jérémy Garbarg (*) (violoncelle), Silke Avenhaus, Xénia Maliarevitch (piano), Quatuor de Shanghai: Weigang Li, Yi-Wen Jiang (violon), Honggang Li (alto), Nicholas Tzavaras (violoncelle) (#); Quatuor Meta4: Antti Tikkanen, Minna Pensola (violon), Atte Kilpeläinen (alto), Tomas Djupsjöbacka (violoncelle) (&); Jean-Louis Capezzali (hautbois), Isaac Rodriguez (clarinette),Peter Schuhmayer, Ulf Wallin (violon), Roberto Diaz (alto), Patrick Demenga, Jérémy Garbarg (violoncelle), Silke Avenhaus, Xénia Maliarevitch (*) (piano), Katharina Dickopf (direction)




Paradis des randonneurs, la région de Prades est aussi le rendez-vous incontournable des amateurs de musique de chambre depuis que Pablo Casals y a fondé «son» festival en 1950. Le festival s’apprête donc à fêter ses 70 ans l’an prochain avec fière allure, et ce d’autant plus que Michel Lethiec continue de présider à la direction artistique avec son énergie et sa faconde coutumières. Les habitués connaissent bien sa malice autant que son érudition, qui réservent des moments privilégiés en ouverture de chaque concert, avec notamment ce programme original appelé «Envol de nuit», qui s’insère parfaitement dans la thématique du rêve promue cette année par Michel Lethiec.


Haut lieu du tourisme local, l’abbaye de Saint-Michel de Cuxà accueille depuis plusieurs années la grande majorité des concerts: on ne se lasse pas d’admirer au coucher du soleil le granit rose du cloître (dont une partie reste visible au fameux musée des cloîtres de New York), avant de pénétrer dans la large nef, à l’excellente acoustique. Le concert débute avec l’un des plus fameux chefs-d’œuvre de la maturité de Haydn, le Quatuor «L’Alouette» (1791). D’emblée, le Quatuor de Shanghai fait valoir son goût pour une expression des couleurs harmonieuse et sensible, admirablement conduite par le premier violon sûr de Weigang Li, qui ne cherche jamais à tirer la couverture à lui. La musicalité qui se dégage de l’ensemble bénéficie des détails piquants mis en valeur par chaque soliste, tout particulièrement le violoncelle poétique de Nicholas Tzavaras. Le mouvement lent fait valoir plus encore la subtilité des phrasés et le sens des nuances, avant un finale rapidissime qui démontre toute la dextérité de la formation, sans jamais chercher le «gros son».



Le Quatuor Meta4 (© Hugues Argence)


Après cette mise en bouche raffinée, place au non moins délicat «Ainsi la nuit» (1977) de Dutilleux qui donne à entendre le Quatuor Meta4, tout droit venu de Finlande. Changement radical de style avec une interprétation debout (hormis le violoncelle), plus physique et engagée. L’écoute réciproque donne une intensité expressive stimulante aux sept sections qui composent cet unique quatuor du maître français, donnant une impression de circulation naturelle des motifs entre les instruments. Les brefs crescendos et accélérations virevoltent en un ton léger et aérien, au service d’une interprétation narrative d’une précision d’horloger. La raréfaction du tissu musical, comme le jeu sur les sonorités suraiguës des instruments, apportent une touche d’étrangeté tel un cauchemar éveillé, avant de s’éteindre sous les applaudissements du public, conquis. Voilà certainement l’ensemble le plus stimulant entendu pendant ces deux jours à Prades: nous allons le suivre de très prêt à l’avenir, en concert comme au disque.


On retombe quelque peu des cimes après l’entracte avec la plus sévère Petite musique nocturne (1954) de Dallapiccola, qui donne à entendre des jeux de timbres en écho dans le style dodécaphonique de l’après-guerre. Si on ne comprend guère l’intérêt d’exhumer cette œuvre dispensable, peut-être est-ce dû à l’interprétation moyenne des solistes réunis, avec un premier violon et un hautbois peu concernés, et un clarinettiste et un flûtiste autrement plus impliqués. La jeune chef réquisitionnée pour diriger tout ce petit monde, Katharina Dickopf, n’y peut rien: la mayonnaise ne prend pas. Fort heureusement, on retrouve ensuite l’un des plus beaux trios de Beethoven pour conclure la soirée, celui dit «des esprits» (1808). Le jeune Jérémy Garbarg, révélation classique de l’Adami en 2019, remplace Torleif Thedéen avec un aplomb qui grandit tout au long de sa prestation, où ses nombreux échanges de regards avec le violon nerveux d’Ulf Wallin apportent des confrontations stimulantes. Si son aîné opte pour des phrasés percutants, au détriment parfois du «beau son», Garbarg préfère mettre en avant un violoncelle volontiers épanoui et brillant, tandis que le piano véloce de Xénia Maliarevitch fait merveille dans les verticalités, tout en manquant d’imagination dans les parties apaisées.



Florent Coudeyrat

 

 

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