About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Doublé gagnant

Paris
Palais Garnier
05/09/2019 -  et 10, 13, 15, 16, 19, 21*, 22, 24 mai 2019
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Iolanta, opus 69 – Casse-Noisette, opus 71
Krzysztof Bączyk (René), Valentina Nafornită (Iolanta), Dmytro Popov (Le comte Vaudémont), Artur Rucinski (Robert), Johannes Martin Kranzle (Ibn-Hakia), Vasily Eimov (Alméric), Gennady Bezzubenkov (Bertrand), Elena Zaremba (Martha), Adriana Gonzalez (Brigitta), Emanuela Pascu (Laura)
Marion Barbeau* (Marie), Artus Raveau (Vaudémont), Emilie Cozette (La mère), Sébastien Bertaud (Le père), Francesco Vantaggio (Drosselmeyer), Jean-Baptiste Chavignier (Robert) Pauline Verdusen (La sœur), Les Etoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l’Opéra national de Paris
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Tomás Hanus (direction musicale)
Dmitri Tcherniakov (mise en scène et décors), Sidi Larbi Cherkaoui, Edouard Lock, Arthur Pita (chorégraphie), Elena Zaitseva (costumes), Gleb Filshtinsky (lumières), Andrey Zelenin (vidéo)


A. Rucinski et D. Popov dans Iolanta
(© Julien Benhamou/Opéra national de Paris)



Retour aux sources : Iolanta et Casse-Noisette ont été créés le même jour, le 18 décembre 1892 au Mariinsky. Mais Dmitri Tcherniakov va plus loin : il en fait une seule œuvre. Sacré défi, qu’il relevait brillamment en 2016 à Garnier. On le sait en effet capable du meilleur... et du moins bon, comme l’ont montré naguère des Troyens massacrés.


L’opéra devient ici le cadeau offert à la petite Marie de Casse-Noisette, qui la rejoint dans l’initiation à la vie adulte. Plus de Moyen Age chevaleresque chez Tcherniakov : nous voici au milieu d’un salon cossu de la fin du siècle – l’époque de la création sans doute – comme il les aime. Le médecin maure Ibn Hakia, même s’il porte une chéchia, a les lunettes du docteur Freud. On sent bien que la cécité de Iolanta ne tient qu’à un refus de la vie entretenu par un père abusif et que sa guérison tient moins à la médecine qu’à l’amour. On sent bien aussi que Marie souffre dans son corps de pulsions refoulées et que les chorégraphies, peu soucieuses de l’histoire tirée de Hoffmann, visent d’abord à pénétrer sa psyché. D’où ces images de catastrophe cosmique en lieu et place de la bataille, de forêt onirique pour Confiturembourg, ces poupées géantes animant le Divertissement. D’où aussi cet effondrement de Marie à la fin du ballet, après que la Valse des fleurs a été dansée par plusieurs générations – découverte des âges de la vie et donc de la mort. Fantasmes, angoisses et désirs sont au cœur du ballet, réalisé par trois chorégraphes : Arthur Pita (l’anniversaire de Marie, entre surprise partie et musical des années 1950, Edouard Lock (La Nuit, La Forêt, le Divertissement), Sidi Larbi Cherkaoui (Valses des flocons et des fleurs, Pas de deux et variations de la fin). Un tour de force, car tout s’articule parfaitement, avec des jeux de miroir entre ballet et opéra, dont les personnages se réincarnent dans des doubles dansés – Ibn-Haika se mue ainsi Drosselmeyer. Et la vidéo n’est pas superfétatoire – cela arrive rarement aujourd’hui. Trois ans après, le doublé séduit – et bluffe – toujours autant.



M. Barbeau dans Casse-Noisette
(© Julien Benhamou/Opéra national de Paris)



On pouvait trouver Sonya Yoncheva un peu mûre en Iolanta. On regrette aujourd’hui sa splendeur vocale : soprano trop léger, la charmante Valentina Nafornită, malgré l’intensité de sa composition, est dépassée, avec un médium et un grave sans consistance – dans La Clémence de Titus la saison dernière, elle était Servilia... Mais Dmytro Popov a la vaillance et les nuances de Vaudémont, le Robert d’Artur Rucinski fait merveille en jeune fou insolent, par la voix et le jeu. Encore un peu vert pour être père et roi, Krzysztof Bączyk promet beaucoup, belle voix profonde et bien conduite, ligne stylée. Face à eux, Ibn-Hakia, malgré son air, est peu flatté par Tchaïkovski : Johannes Martin Kränzle s’y montre impeccable. Les vétérans n’ont pas quitté leur poste : Elena Zaremba et Gennady Bezzubenkov assurent toujours et font de Bertrand et de Martha de vrais personnages de théâtre. Le corps de ballet, lui, est magnifique, à commencer par la Marie formidable de Marion Barbeau.


Il y a douze ans, à Bastille, L’Affaire Makropoulos nous avait révélé le talent de Tomás Hanus, qui s’y était montré chef de théâtre. Curieusement, c’est la dimension qu’on cherche dans une Iolanta languissante, dont on apprécie néanmoins, ici ou là, la poésie rêveuse – comme s’il dirigeait une sorte de ballade. Le ballet, en revanche, lui réussit très bien : direction généreuse et colorée, avec des moments d’intensité dramatique ou d’onirisme raffiné, qui sait raconter et suggérer.



Didier van Moere

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com