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L’enfer, c’est chez soi

Zurich
Opernhaus
05/19/2019 -  et 22, 24, 30 mai, 2, 7, 14 juin 2019
Jean-Philippe Rameau : Hippolyte et Aricie
Mélissa Petit (Aricie), Cyrille Dubois (Hippolyte), Stéphanie d’Oustrac (Phèdre), Edwin Crossley-Mercer (Thésée), Wenwei Zhang (Neptune, Pluton), Hamida Kristoffersen (Diane), Aurélia Legay (Œnone), Nicholas Scott (Première Parque), Spencer Lang (Seconde Parque), Alexander Kiechle (Troisième Parque), Gemma Ní Bhriain (Une Prêtresse de Diane, Une matelote, Une chasseresse), Piotr Lempa* / Matthew Leigh (Un chasseur)
Chor der Oper Zürich, Janko Kastelic (préparation), Orchestra La Scintilla, Emmanuelle Haïm (direction musicale)
Jetske Mijnssen (mise en scène), Ben Baur (décors), Gideon Davey (costumes), Franck Evin (lumières), Kinsun Chan (chorégraphie), Kathrin Brunner (dramaturgie)


(© T + T Fotografie/Toni Suter)


Une direction musicale particulièrement vivante, une mise en scène hautement esthétisante et une distribution vocale sans faille : la nouvelle production d’Hippolyte et Aricie à l’Opernhaus est un succès sur toute la ligne. Le mérite en revient en premier lieu à Emmanuelle Haïm, qui fait pour l’occasion des débuts très remarqués à Zurich. A la tête de La Scintilla, la formation maison sur instruments anciens, la chef fait vivre la partition de Rameau avec une intensité et une dynamique remarquables, au point qu’on ne voit jamais le temps passer au cours des presque trois heures de spectacle. Qui a dit que la musique baroque française était ennuyeuse ? Qui plus est, chaque scène a ses propres nuances et couleurs, dans une palette contrastée allant de la tristesse amère à la colère la plus noire. Le tout rendu sans pathos mais avec une simplicité et une sobriété des plus efficaces.


La metteur en scène hollandaise Jetske Mijnssen considère l’intrigue tirée de la mythologie comme un drame de famille bourgeois. Phèdre, épouse de Thésée, tombe amoureuse de son beau-fils Hippolyte, lui-même amoureux d’Aricie. Pendant l’Ouverture, une grande table dans un palais baroque sobrement meublé réunit trois générations de la famille en costumes et perruques. Tous se regardent en chiens de faïence, droits comme des I. Un jeune homme se précipite aux pieds de Thésée pour l’embrasser, avant d’être égorgé par trois prêtres (trois Parques selon le livret). Personne à table ne bouge le petit doigt. Thésée part en enfer à la recherche de son amant (son ami dans le livret). Pendant son absence, Phèdre va faire des avances de plus en plus pressantes à Hippolyte. Thésée quitte l’enfer mais pour le retrouver chez lui lorsque, de retour dans son palais, il voit son fils voulant tuer sa femme. Cependant, contrairement à la Phèdre de Racine, tout est bien qui finit bien : Hippolyte épouse Aricie et monte sur le trône, alors que Phèdre, agonisante, confesse son amour pour Hippolyte à Thésée, qui n’a plus qu’à se cacher pour masquer son désespoir. Un plateau tournant fait apparaître les différentes pièces du palais dans lesquelles se noue l’action. Les décors et les costumes sont un régal pour les yeux et la direction d’acteurs est particulièrement fouillée.


Les rôles principaux sont confiés à des chanteurs francophones, ce qui facilite la compréhension de l’intrigue. Stéphanie d’Oustrac campe une Phèdre qui finit par devenir émouvante, malgré la cruauté et la perversité du personnage. Elle séduit tout autant par ses grondements de colère que par ses lamentations éplorées, avec à chaque fois une forte présence scénique. Edwin Crossley-Mercer incarne un Thésée noble et digne, au timbre sonore et abyssal. Son roi ne perd jamais contenance, même lorsqu’il ne sait que choisir, entre sens du devoir et sentiments. Magnifique Iopas dans les récents Troyens à Bastille, le ténor Cyrille Dubois tient ses promesses avec son Hippolyte juvénile et lumineux, alors que Mélissa Petit est une Aricie un peu en retrait, douce et innocente. Parmi les rôles secondaires, on retient surtout Hamida Kristoffersen, qui prête sa voix à une Diane façon reine d’Angleterre. On se dit aussi que l’air du trio des Parques, accompagné à la contrebasse, est un petit bijou. A noter que le 26 mai, chef, musiciens, choristes et chanteurs donneront une représentation concertante à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées, avant de retourner à Zurich pour terminer la série de représentations prévues.



Claudio Poloni

 

 

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