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Qui a peur du grand méchant Turc ?

Zurich
Opernhaus
04/28/2019 -  et 2, 5*, 10, 14, 18, 23, 26, 29 mai 2019
Gioacchino Rossini : Il Turco in Italia
Nahuel Di Pierro (Selim), Julie Fuchs (Donna Fiorilla), Renato Girolami (Don Geronio), Edgardo Rocha (Don Narciso), Pietro Spagnoli (Prosdocimo), Rebeca Olvera (Zaida), Nathan Haller (Albazar)
Zusatzchor des Opernhauses Zürich, Ernst Raffelsberger (préparation), Philharmonia Zürich, Enrique Mazzola (direction musicale)
Jan Philipp Gloger (mise en scène), Ben Baur (décors), Karin Jud (costumes), Martin Gebhardt (lumières), Sami Bill (vidéo), Claus Spahn (dramaturgie)


(© Hans Jörg Michel)


Une mise en scène originale et inventive, une direction musicale pétillante et un plateau vocal brillant et soudé qui s’en donne à cœur joie : tout concourt à faire de la nouvelle production du Turc en Italie à l’Opernhaus de Zurich une indéniable réussite. L’action de l’opéra bouffe de Rossini est transposée dans un immeuble triste et gris d’une banlieue anonyme. Une structure pivotante au milieu du plateau laisse apercevoir alternativement trois appartements parfaitement identiques. Le premier est habité par un couple à l’existence routinière, formé de Geronio et de son épouse Fiorilla, laquelle vaque à ses tâches ménagères avec la régularité d’un métronome tout en aspirant à une vie plus palpitante, façon Desperate Housewives. Elle a pour amant Narciso, le concierge de l’immeuble. La tranquillité des locataires est mise à mal par l’arrivée de Selim, un Turc qui emménage à côté de Geronio et Fiorilla. Le troisième appartement est occupé par Prosdocimo, un poète selon le livret, mais devenu ici réalisateur, qui, une caméra toujours à la main, filme les faits et gestes de ses voisins pour en tirer un documentaire. La quiétude de l’immeuble sera ensuite bouleversée par l’irruption de Zaida, femme de Selim à la recherche de son mari, et de toute une bande de compatriotes remuants et bruyants. On l’aura compris, le metteur en scène Jan Philipp Gloger voit Le Turc en Italie comme un clash culturel, un affrontement entre deux communautés différentes, qu’il décortique avec son lot de gags et de situations cocasses ainsi que son cortège de clichés, mais aussi de peurs et de ressentiments. On rit beaucoup pendant le spectacle et on ne s’ennuie à aucun moment, tant il se passe de choses sur scène. Mais le rire fait place à la profondeur et à la réflexion dès lors qu’apparaissent sur les murs de l’immeuble des affiches ressemblant comme deux gouttes d’eau à celles utilisées par un parti d’extrême-droite en Suisse, qui veut limiter la population étrangère dans le pays. L’effet est saisissant.


Le chef Enrique Mazzola dirige la partition de Rossini en orfèvre, avec précision et finesse, mais aussi avec beaucoup de brio et des tempi particulièrement rapides, d’où le feu d’artifice musical permanent qui émane de la fosse. Le plateau vocal est de haut niveau et surtout très homogène ; l’alchimie entre les chanteurs est évidente. Dans le rôle de Fiorilla, Julie Fuchs fait preuve d’une veine comique insoupçonnée et d’un engagement scénique de tous les instants, sans parler de son timbre lumineux et de ses vocalises brillantes. Très bon acteur lui aussi, Nahuel Di Pierro incarne un Selim désinvolte mais souvent indécis, avec un timbre souple et corsé. Renato Girolami est un Geronio débonnaire, un peu dépassé par les événements, qui séduit par ses phrases impossibles qu’il réussit à prononcer à une vitesse époustouflante, dans la grande tradition des basses italiennes. Pietro Spagnoli campe un Prosdocimo flegmatique mais rusé, ayant toujours l’œil sur ses voisins. Avec sa technique irréprochable et ses aigus étincelants, Edgardo Rocha campe un Narciso de haute tenue ; frustré parce que Fiorilla lui préfère Selim, c’est lui qui va placarder les affiches appelant au rejet des étrangers. Indubitablement, une réussite à tous les égards.



Claudio Poloni

 

 

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