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Falstaff, cocasse et inusable

Madrid
Teatro Real
04/23/2019 -  et 24, 25, 27, 28*, 30 avril; 1er, 2, 6, 7, 8 mai 2019
Giuseppe Verdi: Falstaff
Roberto de Candia*/Misha Kiria (Falstaff), Rebecca Evans*/Raquel Lojendio (Mrs. Alice Ford), Daniela Barcellona*/Teresa Iervolino (Mistress Quickly), Maite Beaumont*/Gemma Cora-Alabert (Mrs. Meg Page), Albert Casals/Joel Prieto* (Fenton), Ruth Iniesta*/Rocío Pérez (Nannetta), Angel Odena/Simone Piazzola* (Ford), Christophe Mortagne (Dr. Caius), Mikeldi Atxalandabaso (Bardolfo), Valeriano Lanchas (Pistola)
Coro Titular del Teatro Real (Coro Intermezzo), Andrés Máspero (chef de chœur), Orquesta Titular del Teatro Real (Orquesta Sinfónica de Madrid), Daniele Rustioni (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène, costumes), Barbara de Limburg (décors), Joël Adam (lumières)


(© Javier del Real/Teatro Real)


Cette production du Teatro Real constitue une parfaite nouveauté. Il s’agit d’une coproduction avec La Monnaie de Bruxelles, l’Opéra national de Bordeaux et la Fondation Nikikai pour l’opéra de Tokyo, où elle sera bientôt présentée. Après dix-sept ans sans Falstaff, le gros bonhomme, sympa et fripon, revient donc au Teatro Real.


Il y a un contraste caché, que peu de verdiens connaissent: c’est un Verdi agile, pressé et sans s’arrêter, avec un calme et une quiétude «sans souci», qui a composé son Falstaff. Dès les toutes premières mesures, du cri maussade et énervé du Dr. Caius («Falstaff!!»), dès l’arnaque qu’il vient dénoncer, on est déjà dans le tempo dominant et l’atmosphère picaresque de l’histoire. Et cela n’arrête jamais: d’une façon évidente pendant le complot des femmes contre Sir John et l’ingérence de Ford qui embrouille les choses; d’une façon frôlant la poésie dans la dernière scène de feinte féerie, où Verdi prouve, tardivement, qu’il aurait pu composer Le Songe d’une nuit d’été. Falstaff n’est pas tout à fait le testament d’un artiste octogénaire, mais un équilibre où le bouffe se mêle de mélancolie, comme si le passé était une source de méditations. Des méditations pas graves du tout, mais sur un fond tout à fait sérieux. Le comique comme discernement final? Une leçon de sagesse... s’il s’agit d’une musique comme celle-ci. Verdi voulait-il «être moderne» en dominant un cantabile continu? Il vivait son temps jusqu’à la fin. Ce n’est pas un récitatif, mais un cantabile – attention!


Autrement dit, Falstaff, le dernier opéra de Verdi, son dernier Shakespeare aussi, n’est pas un opéra pour le belcanto, ce n’est plus un mélodrame, et il va au-delà de l’opéra bouffe. Mais tous les trois sont là, travestis, dissimulés comme références, citations, voire railleries («onore», «vendetta», «povera donna»...). Et le tempo est toujours rapide, agile, même quand les tempi s’autorisent un peu de détente: c’est simplement pour redresser la nouvelle course. Les voix, donc, tout comme dans des opéras comme Gianni Schicchi, doivent être prêtes pour chanter, mais conjointement, en réponses grivoises, en trios et même plus que cela, dans la fugue finale. Le rôle principal est le risible Sir John, bien sûr, mais les vrais héros sont les héroïnes, Alice, Meg, Quickly, et tout le carnaval des ridicules bourgeois comme Ford et Caius, les piteux aux limites de la marginalité (Pistola, Bardolfo) et aussi le couple des amoureux (Nannetta, Fenton), tout comme dans la comédie italienne d’antan, tous, forment un ensemble où il ne serait pas légitime de privilégier une voix sur les autres. Légitime? En tout cas, ce serait manquer de justice, de clarté et de fidélité à la réalité.


L’ensemble des chanteurs/acteurs méritent des éloges; presque toutes les voix, en commençant par Roberto de Candia, un Falstaff se confrontant une tradition redoutable qui ne semble pas lui fait pas peur; en pensant au jeune Joel Prieto, une voix de ténor à laquelle il manque peu; la quasi-réussite des deux voyous (Mikeldi Atxalandabaso et Valeriano Lanchas); la pleine réussite des rôles féminins (Rebecca Evans, Maite Beaumont, Daniela Barcellona et la Nannetta de Ruth Iniesta); seulement deux voix peu remarquables, Simone Piazzola et Christophe Mortagne. La principale difficulté de cet opéra réside dans la direction musicale, assurée cette fois-ci par le jeune Milanais Daniele Rustioni, vif, efficace, soigneux des détails formant l’ensemble de cette folle journée (encore une!) où Falstaff essaie de tromper le monde et le monde (féminin) le trompe entièrement. Une direction musicale pour un athlète.


La direction d’acteurs et la conception scénique de Laurent Pelly ont convaincu et vaincu un public qui a encore bien en mémoire son succès ici dans Le Coq d’or de Rimski-Korsakov. Une réussite par sa propre direction de ces dix acteurs et un chœur narquois et magique au même temps. Soutenu par les décors ingénieux et pas trop compliqués de Barbara de Limburg (y compris des projections et des miroirs-clins d’œil) et par ses propres costumes, Pelly a réussi à raconter cette histoire folle et drôle grâce à une théâtralité pleine de vie, de mouvement. Les costumes et les ambiances des décors évoquent vaguement un moment imprécis du XXe siècle: aucun problème. Dix voix, un chœur, un directeur musical, une mise en scène rigolote, sans cesse plaisante. Face à tout cela, les petits détails dissonants disparaissent. Mais y en avait-il...?



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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