About us / Contact

The Classical Music Network

Gent

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Les mains jaunes et les mains bleues

Gent
Opera Vlaanderen
03/29/2019 -  et 10, 13, 15, 17, 19, 21 (Antwerpen), 31* mars, 2, 4, 6 avril (Gent) 2019
Fromental Halévy: La Juive
Roy Cornelius Smith (Eléazar), Corinne Winters (Rachel), Nicole Chevalier (Eudoxie), Enea Scala (Léopold), Riccardo Zanellato (Le Cardinal de Brogni), Leon Kosavic (Ruggiero)
Koor Opera Vlaanderen, Jan Schweiger (chef des chœurs), Symfonisch Orkest Opera Vlaanderen, Antonino Fogliani (direction)
Peter Konwitschny (mise en scène), Johannes Leiacker (décors, costumes), Manfred Voss (lumières)


(© Annemie Augustijns)


L’Opéra des Flandres relâche les mesures de sécurité. Il y a quatre ans, lors de la création de cette production de La Juive (1835), des policiers veillaient sur les spectateurs à l’entrée du théâtre. Plus rien de tel aujourd’hui. La représentation de ce dimanche se tient toutefois à Gand, et non à Anvers où vit une importante communauté de juifs orthodoxes. Il est pourtant question de religion, un sujet toujours aussi sensible, et l’histoire oppose deux communautés. Peter Konwitschny distingue ainsi les juifs des chrétiens par la couleur de leurs mains, jaune pour les premiers, bleu pour les seconds. Nous retrouvons sans déplaisir les éléments marquants de cette mise en scène portée par une direction d’acteur soutenue, mais ordinaire: la rosace, superbe, le basculement entre satire et tragédie, l’effet produit par la présence de Rachel, d’Eléazar et des choristes entre les rangées de sièges du parterre. Mais la scénographie captive, cette fois, nettement moins.


Cette mise en scène ne fut pas la raison pour laquelle nous tenions à assister à cette reprise. Tout d’abord, l’œuvre, de loin la plus célèbre d’Halévy, occupe une place importante dans l’histoire de la musique et compte parmi les fleurons d’un genre qui bénéficie aujourd’hui d’un regain d’intérêt, le grand opéra. Par conséquent, La Juive mérite une distribution entièrement francophone, ou à même de prononcer parfaitement la langue française, afin de lui rendre pleinement justice. Heureusement, l’Opéra des Flandres réunit pour cette nouvelle série de représentations de solides chanteurs, à même d’assumer avec vaillance leur partie et d’habiter intensément leur rôle. Le plateau se situe donc dans la moyenne de ce que cette maison propose habituellement.


Corinne Winters possède la tessiture requise pour Rachel, comme le prouve sa capacité à explorer le registre dramatique de son personnage. Ferme dans l’aigu, nourri dans le medium, son chant repose sur un timbre séduisant et homogène. Bien que la prononciation fasse souvent défaut, la soprano affiche assez de style pour briller avec justesse dans ce rôle exigeant. Roy Cornelius Smith paraît plus inégal en Eléazar, le ténor se démarquant surtout en seconde partie, par sa présence et sa voix, bien que cette dernière reste quelque peu monochrome. Son air le plus attendu, « Rachel, quand du Seigneur », révèle toutefois un chanteur maître de ses moyens et habitant profondément cette figure meurtrie.


Riccardo Zanellato campe un Cardinal de Brogni convaincant, par sa prestance et le lyrisme de son phrasé. La voix manque quelque peu de teintes sombres pour totalement séduire, mais la tenue de la ligne de chant appartient bel à bien à un interprète de premier ordre. En regard de son potentiel, Enea Scala endosse un rôle ingrat, mais le ténor expose néanmoins en Léopold une voix claire et riche, une certaine rigueur stylistique et une belle présence. L’Eudoxie de Nicole Chevalier laisse plus circonspect. La soprano exprime du tempérament, mais le chant, bien qu’assuré, ne possède pas une classe insurpassable ; cette interprète de talent complète cependant la distribution sans provoquer de déséquilibre. Sur ce point, aucun risque avec le Ruggiero de Leon Kosavic : le baryton a tout juste le temps de se mettre en valeur dans un rôle probablement sous-dimensionné pour lui.


La direction du très compétent Antonino Fogliani constitue un grand motif de satisfaction. L’orchestre, qui sonne avec précision et transparence, se montre capable d’autant de vitalité que de nuances et arbore des timbres de qualité. Le chef confère ainsi de l’élégance et de la grandeur à cette musique. Quant aux choristes, enfin, ils demeurent excellents, comme à chaque fois à l’Opéra des Flandres.



Sébastien Foucart

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com