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Violoniste au bord de la crise de nerfs

Amsterdam
Muziekgebouw ann ‘t IJ
03/07/2019 -  et 9 mars 2019
Dannacha Dennehy : The Second Violinist
Aaron Monaghan (Martin), Daire Halpin (Hannah), Sharon Carty (Amy), Benedict Nelson (Matthew)
Irish National Opera Chorus, Crash Ensemble, Killian Farrell (direction musicale)
Enda Walsh (mise en scène), Jamie Vartan (décors), Adam Silverman (lumières), Jack Phelan (vidéo), David Sheppard, Helen Atkinson (design sonore), Joan O’Clery (costumes)


(© Tonnie van Gessel)


Le Nationale Opera néerlandais ne s’endort pas dans la routine du répertoire saisonnier. Pour preuve la quatrième édition (la précédente a remporté en 2018 un International Opera Award de meilleur festival d’opéra au monde) de cet Opera Forward Festival ‘19 (OFF ‘19) qui, en cours de saison, offre pendant une quinzaine au public amstellodamois pas moins de cinq œuvres lyriques du XXIe siècle sur le thème «Identité et confrontation» ainsi que trois jours (OFF Days) durant lesquels il invite des étudiants des écoles d’art des Pays-Bas à présenter des opéras, se produire en jam sessions et rencontrer des personnalités du théâtre lyrique tels Peter Sellars, Ching-Lien Wu, Niels Brooks, Olivia Umurerwa Rutazibwa...


Successivement ont été présentés dans trois théâtres de la capitale néerlandaise Homo Instrumentalis, pièce de théâtre musical dans son plus récent avatar (Silbersee 2017) composée par Georges Aperghis, Yannis Kyriakides et Luigi Nono. Puis la création mondiale de Caruso à Cuba du compositeur néerlandais Michael Hamel. Et trois œuvres présentées en première néerlandaise – et même européenne pour la première: Girls of the Golden West de John Adams, Fin de partie de Győrgy Kurtág et The Second Violinist de Dennacha Dennehy.


Présenté dans un lieu pas tout à fait adaptée à l’opéra (la scène est trop basse par rapport à la salle), dans la magnifique salle de concert Muziekgebouw ann ‘t IJ, construite en 2005 dans les nouveaux quartiers récupérés sur les anciens docks du lac IJ qui bordent les quartiers nord de la ville, malheureusement assez difficilement et désagréablement accessible du centre-ville par une sombre soirée d’hiver pluvieuse, The Second Violinist, créé en 2017 au Black Box Theater de Galway lors du Galway International Arts Festival, est la deuxième collaboration du compositeur irlandais Donnacha Dennehy (né en 1970) et de l’écrivain irlandais Enda Walsh (né en 1967), qui en a aussi réalisé la mise en scène et fut aussi le librettiste de Lazarus, le dernier musical de David Bowie. Si leur précédente collaboration, The Last Hotel (2015) était un opéra-thriller, il est plus difficile de mettre une étiquette sur The Second Violinist, qui combine la structure musicale d’un opéra, la vidéo et le théâtre avec un rôle quasi muet mais qui s’exprime par le moyen moderne de communication que sont les messages «texto».


Bien qu’on ne puisse mettre en doute la cohérence de l’ensemble de ce spectacle, on est tenté d’en séparer les éléments qui le composent à la manière d’un millefeuille. Le décor de Jamie Vartan est spectaculaire et très efficace, superposant un appartement vu en coupe d’une forêt de troncs d’arbres pour la fin de la pièce en forme de conte de fées. La fin seulement, car l’histoire est plutôt sordide avec un personnage principal, second violon d’un orchestre, passionné jusqu’à l’obsession par la musique de Carlo Gesualdo et qui noie sa passion dans l’alcool, les jeux vidéo violents et la recherche de l’âme sœur par les sites de rencontres, faisant une utilisation assez peu orthodoxe des SMS. A cette quête frustrante se superpose une autre action dans l’unité de lieu, mais pas de temps, ce qui brouille beaucoup les pistes de compréhension: un couple vivant dans le même appartement se défait à la suite de la visite d’une amie de collège de l’épouse, qui évolue par une liaison entre les deux femmes et leur assassinat par le mari. Là, les fils de l’écheveau s’entremêlent car, Gesualdo ayant tué sa femme et son amant, on peut penser que ces deux personnages mâles hautement dysfonctionnels, Martin le violoniste (superbe Aaron Monaghan, qui joue ce rôle muet avec une réalité poignante) et Matthew le mari assassin (Benedict Nelson, seul de la troupe dont le chant est digne de ce nom) seraient une seule et même personne. Les interventions très ésotériques du chœur, dont la musique porte par moments l’empreinte médiévale gesualdesque (superbe Chœur de l’Opéra national irlandais), n’éclairent en rien ces doutes. L’action condensée en un acte de soixante-quinze minutes se termine par une manière de happy end car le violoniste rencontre son âme sœur virtuelle et ils peuvent partager dans la vie réelle leur passion pour Gesualdo.


Si la partition minimaliste de Donnacha Dennehy est très efficace avec ses références lointaines au chromatisme de Gesualdo, le traitement du chant est le point faible de l’ensemble. L’écriture vocale est assez pauvre et ne rencontre pas dans cette première production de l’œuvre, qui a été présentée telle quelle l’an dernier à Londres, une équipe qui lui rend justice. Toutes ces réserves étant exprimées, il s’agit néanmoins d’un spectacle d’une belle cohérence qui, pour peu que l’on adhère à sa trame énigmatique et à sa forme de thriller imparfait, est la matière d’une belle soirée théâtrale.



Olivier Brunel

 

 

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