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La Jubilation selon Matalon

Paris
Maison de la radio
02/12/2019 -  
Wolfgang Rihm : Klavierstück n° 5 (Tombeau) [*]
Hugues Dufourt : L’Eclair d’après Rimbaud [#]
Karlheinz Stockhausen : Refrain [&]
Martin Matalon : Atomizacion, Loop & Freeze (création)

Bertrand Chamayou [* &] (piano, célesta), Vanessa Benelli Mosell [# &], Sébastien Vichard [#] (piano), Florent Jodelet [# &], Adélaïde Ferrière [#], Eve Payeur (percussion), Martin Matalon (direction)




La «nouvelle simplicité» n’étant, selon ses dires, qu’«une chimère de journaliste», rompons les attaches de Wolfgang Rihm (né en 1952) avec ce (pseudo)courant au profit d’une qualité plus consensuelle et explicitement revendiquée: «l’expressivité». Depuis la création du tellurique Morphonie pour quatuor à cordes et grand orchestre par Ernest Bour en 1974 au Festival de Donaueschingen (Rihm avait tout juste vingt-deux ans), l’expressivité se situe en effet au cœur de sa production, dont l’étendue intimide en même temps qu’elle rassure via les passerelles jetées entre la rive de la tradition romantique germanique (Mahler et Berg inclus) et celle de notre modernité. Sonder ce catalogue le temps d’un festival, c’est faire le «portrait d’un ogre» (dixit le délégué à la création musicale à Radio France, Pierre Charvet), mais d’un ogre doublé d’un Roi des aulnes: dans certaines de ses œuvres fleuves – une série de quatre pièces pour orchestre s’intitule d’ailleurs Vers une Symphonie fleuve – aux multiples ramifications, Rihm agrippe l’auditeur au collet pour ne plus le lâcher.


Le compositeur, absent pour raison de santé, n’ayant pu achever à temps la commande de Radio France, il faudra se contenter du Klavierstück n° 5 (1975), sous-titré Tombeau. Les doigts de Bertrand Chamayou restituent le contraste entre le do séminal tenu «jusqu’à la dissipation» et les rudesses terrifiantes qui s’ensuivent. D’une grandiloquence assumée, la pièce déverse avec un acharnement obstiné ces cascades et autres bourrasques, balisées verticalement par des octaves de do, note entrecoupée de silences à laquelle il revient de conclure.


On se situe ici à l’opposé des premiers Klavierstücke de Karlheinz Stockhausen (1928-2007), dont le sérialisme intégral versait parfois dans un formalisme réfrigérant. De cette figure tutélaire auprès de laquelle Rihm a étudié, les programmateurs ont préféré le plus avenant Refrain (1959) qui, dans le sillage du Klavierstück XI (1956), octroie davantage de liberté aux interprètes. On ne gagne guère à lire la notice de la plume du compositeur – en réalité le mode d’emploi de la partition. Mieux vaut se laisser porter par les textures légères et séduisantes... et se laisser surprendre par le fameux «refrain» à l’apparition perturbée par une série de micro-événements. Le percussionniste Florent Jodelet connaît la chanson pour l’avoir enregistrée aux côtés de feu Gérard Frémy et Jean-Efflam Bavouzet (Accord). Il parraine dans cette pièce ludique Bertrand Chamayou (célesta) et Vanessa Benelli Mosell (piano).


On escomptait mieux de la part d’Hugues Dufourt (né en 1943) que L’Eclair d’après Rimbaud: non que la griffe du maître ne soit perceptible au détour de tel (sentiment d’expectative) ou tel (discours musical organique gouverné par le transitoire) procédé, mais la combinaison instrumentale semble opérer en défaveur de son style. Sur les légers décalages liminaires – presque inévitables à un tempo si lent entre les deux pianos et les deux percussions – se greffent vingt minutes durant les mêmes sonorités métalliques. Le récent Burning Bright (2014), écrit sur-mesure pour Les Percussions de Strasbourg, avait bien davantage séduit.


Plus jubilatoire se présente Atomizacion, Loop & Freeze pour trois pianos et trois percussions (clin d’œil à sur Incises de Boulez?). Comme le précise Martin Matalon (né en 1958), «les sept états de l’œuvre s’enchaînent sans jamais revenir en arrière, et suivant le procédé où chaque point d’arrivée d’un mouvement correspond au point de départ du suivant» (Dutilleux eut recours au même tuilage dans ses Métaboles). D’une baguette alerte, le compositeur dirige Bertrand Chamayou, Vanessa Benelli Mosell, Sébastien Vichard (pianos), Florent Jodelet, Adélaïde Ferrière et Eve Payeur (percussion), dont la constante réactivité s’avère une qualité inappréciable dans cette musique survitaminée. Pour omniprésentes qu’elles soient, les interventions des trois pianistes obéissent à un équilibre subtil entre gestes virtuoses sur toute l’étendue du clavier et captures de résonances à même la table d’harmonie. Efficace et gratifiante, l’œuvre rencontre un succès public mérité.



Jérémie Bigorie

 

 

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