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Grotesque mais humain

Zurich
Opernhaus
02/03/2019 -  et 7*, 10, 13, 16, 21, 24 février, 2 mars 2019
György Ligeti : Le Grand Macabre
Alina Adamski (Amanda), Sinéad O’Kelly (Amando), Alexander Kaimbacher (Piet vom Fass), Leigh Melrose (Nekrotzar), Jens Larsen (Astradamors), Sarah Alexandra Hudarew/Heidi Melton*/Judith Schmid (Mescalina), Eir Inderhaug (Venus, Chef der Gepopo), David Hansen (Fürst Gogo), Oliver Widmer (Schwarzer Minister), Martin Zysset (Weisser Minister), Yuriy Tsiple (Ruffiak), Dean Murphy (Schobiak), Richard Walshe (Schabernak)
Chor der Oper Zürich, Ernst Raffelsberger (préparation), Philharmonia Zürich, Tito Ceccherini (direction musicale)
Tatjana Gürbaca (mise en scène), Henrik Ahr (décors), Barbara Drosihn (costumes), Carl-Christian Andresen (collaboration aux costumes), Stefan Bolliger (lumières), Claus Spahn (dramaturgie)


(© Herwig Prammer)


Ce n’est pas tous les soirs qu’un metteur en scène doit jouer lui-même un personnage durant une représentation. C’est pourtant ce qui vient d’arriver à Zurich. Pour la première de la nouvelle production du Grand Macabre de György Ligeti, l’interprète prévue pour le rôle de Mescalina, Judith Schmid, a dû déclarer forfait pour cause de maladie. Une remplaçante a pu être trouvée in extremis en la personne de Sarah Alexandra Hudarew, qui est arrivée le matin même en provenance de la Guadeloupe. Comme elle n’a bien évidemment pas eu le temps d’assimiler les éléments de la production, elle a chanté le rôle sur un des côtés du plateau, alors que Tatjana Gürbaca, la réalisatrice du spectacle, interprétait le personnage sur scène. Pour la deuxième représentation, manque de chance, Sarah Alexandra Hudarew est tombée malade à son tour. et c’est une autre chanteuse, Heidi Melton, qui a été appelée à la rescousse pour sauver la soirée. Tatjana Gürbaca s’est donc retrouvée une nouvelle fois sur scène. Chapeau à la direction de l’Opernhaus pour avoir réagi si rapidement, car même si Le Grand Macabre est l’une des très rares œuvres lyriques contemporaines à s’être imposée au répertoire depuis sa création en 1978, les chanteurs qui connaissent les rôles ne sont pas légion.


Tatjana Gürbaca s’est montrée très convaincante en Mescalina, ondulant lascivement son corps pour figurer la nymphomane en embuscade. Plus généralement, le spectacle conçu par l’artiste allemande est fidèle à l’esprit burlesque et absurde de l’ouvrage de Ligeti. La mort vient annoncer que la fin du monde est prévue pour minuit. Tous en profitent pour s’amuser, boire, manger, s’aimer... Mais minuit sonne et rien ne se produit. La mort, en état d’ébriété avancé, a oublié le rendez-vous. Alors on s’amuse, on boit, on mange et on s’aime de plus belle. L’apocalypse peut bien attendre, de toute façon la vie aura bien une fin un jour ou l’autre. Tous les personnages sont des anti-héros grotesques, mais pas des caricatures heureusement, car ils ont aussi des côtés profondément humains, et c’est là le grand mérite du travail de Tatjana Gürbaca. La metteur en scène a aussi respecté toute l’ambiguïté de l’ouvrage : l’apocalypse annoncée s’est-elle finalement produite ou pas ? Les personnages sont-ils morts ou encore vivants ? A vrai dire, on ne le sait pas vraiment, et c’est ce qui fait tout le sel du spectacle.


Les chanteurs sont tous très sollicités, tant vocalement que scéniquement. Leigh Melrose fait forte impression en Nekrotzar diabolique et touchant à la fois. Le Prince a le timbre brillant du contre-ténor David Hansen. En Vénus, Eir Inderhaug séduit par ses vocalises stratosphériques. Les deux ministres interprétés respectivement par Oliver Widmer et Martin Zysset se lancent dans une inénarrable joute d’injures. Amanda (Alina Adamski) et Amando (Sinéad O’Kelly) s’aiment tellement qu’ils n’arrivent pas à se quitter d’une semelle. En Piet façon Falstaff, Alexander Kaimbacher fait montre d’un timbre souple et agile, alors que Jens Larsen confère sa voix imposante et bien projetée à Astradamors. C’est Fabio Luisi, directeur musical de l’Opernhaus, qui avait expressément tenu à mettre l’ouvrage à l’affiche. Las, le chef est tombé malade juste après le début des répétitions et a dû cédé la baguette à Tito Ceccherini, lequel a offert une lecture précise et délicate, ne forçant jamais le trait et ne couvrant à aucun moment les chanteurs, ce qui est un exploit en soi.



Claudio Poloni

 

 

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