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La Totentanz de Thomas Adès nous emporte dans sa ronde infernale

Paris
Philharmonie
01/30/2019 -  et 31 janvier 2019
Thomas Adès : Totentanz
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n° 40, K. 550

Christianne Stotijn (mezzo-soprano), Mark Stone (baryton)
Orchestre de Paris, Daniel Harding (direction)


M. Stone (© Hayley Madden)


Après avoir fait ses débuts à la tête de l’Orchestre de Paris en novembre dernier dans un programme Berlioz-Adès-Tippett, Thomas Adès a de nouveau les honneurs de la Philharmonie de Paris avec la première française de sa Totentanz. L’œuvre, créée aux Proms de 2013 lors d’un concert qui célébrait le centenaire de la naissance de Benjamin Britten et Witold Lutoslawski (son dédicataire), met en musique un texte allemand anonyme du XVe siècle qui figure sur une fresque de la Marienkirche de Lubeck. Plus que la Danse macabre de Liszt ou de Saint-Saëns (malgré la présence fugitive du Dies irae), prétexte avant tout à la virtuosité instrumentale, celle de Thomas Adès s’apparente davantage à La Danse des morts (1938) d’Arthur Honegger (sur un poème de Paul Claudel), inspirée des célèbres gravures de Hans Holbein.


La camarde, incarnée par le baryton, prélève son tribut aveugle dans toutes les classes sociales, du pape au moine, du chevalier à l’usurier, pour achever sa ronde infernale avec l’enfant qui conclut par ces paroles glaçantes: «O Mort, comment puis-je comprendre ? Je ne sais pas marcher, et cependant, je dois danser!»


Devancé par les cliquetis des osselets et les ricanements des squelettes que donnent à entendre une rangée de neuf percussionnistes et les aigus perçants de deux piccolos, l’excellent baryton Mark Stone, en tout point digne du créateur Simon Keenlyside (la première est accessible via une vidéo sur YouTube), adopte tour à tour le ton comminatoire de l’inquisiteur et le ricanement cynique d’un Méphisto d’opérette. A la mezzo Christianne Stotijn échoit une partie encore plus versatile qui culmine dans une étreignante berceuse (l’on songe immanquablement aux Kindertotenlieder de Mahler et aux Chants et danses de la mort de Moussorgski) où Adès, tel Mahler, fait montre de son talent hors norme de récupérateur: les quatre cors entonnent un choral aux attaches tonales assumées, dont le doux balancement évoque l’Andante, un poco adagio du Quintette avec piano de Brahms. Avant cela, le grand orchestre, exploité avec une extrême virtuosité (polarités harmoniques, figuralismes, toccata à l’unisson, interdépendance des pupitres), aura littéralement implosé dans une séquence tonitruante faisant usage de l’«ad libitum collectif» cher à Lutoslawski. Soucieuse de ménager l’articulation formelle de cette œuvre d’un seul tenant, la direction à mains nues de Daniel Harding obtient en outre une précision rythmique sans faille des musiciens.


Volonté d’assurer une continuité ou lecture délibérément astringente? Toujours est-il que jouée à la suite de la Totentanz, la célébrissime – quoique rare au concert – Quarantième Symphonie de Mozart (curieux jumelage!) ne nous transportera pas sous les ors de la bonbonnière XVIIIe! D’une âpreté assumée, gangrénée d’accents rauques, l’approche du chef élimine tout cantabile jusque dans l’Andante (voyez les triples croches quasi plaquées) et le trio d’un Menuet revêche et tranchant. Le final s’accommode mieux de cette vision sans concession, même si l’on pourra déplorer, là aussi, la raideur de certains phrasés. Mémorable, c’est pour la création de Thomas Adès que ce concert restera.



Jérémie Bigorie

 

 

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