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Métamorphoses sonores

Vienna
Konzerthaus
01/24/2019 -  et 19 (Berlin), 24 (Praha), 25 (Luzern), 27 (Bilbao), 28 (Oviedo) novembre, 2 (Lisboa), 11 (Budapest), 15 (Saint-Pétersbourg), 17 (Moscou) décembre 2018, 21 janvier (München), 26 (Warszawa), 29 (Amsterdam), 31 (Schenectady) mars, 2 (New York), 3 (Oberlin), 6 (Durham), 7 (Baltimore), 10 (Denver), 13 (San Francisco), 14 (Aliso Viejo) avril, 3 (London), 8 (Cambridge) mai 2019
Johann Sebastian Bach: Das wohltemperierte Klavier (Zweiter Teil): Préludes et Fugues n° 1, BWV 870, n° 17, BWV 886, n° 8, BWV 877, n° 23 BWV 892, n° 7 BWV 876, et n°18, BWV 887
Ludwig van Beethoven : 33 variations sur une valse de Diabelli, opus 120

Piotr Anderszewski (piano)


P. Anderszewski (© Simon Fowler)


Voici un récital exigeant, organisé avec la minutie habituelle de Piotr Anderszewski, qui n’aura sûrement laissé personne indifférent à défaut de séduire. En première partie, une sélection de Préludes et Fugues extraits du Second Livre du Clavier bien tempéré, enchaînés de manière à construire une structure narrative. On retrouve l’imagination débordante du pianiste (les variations d’attaques et de phrasés renouvellent le thème de la Septième Fugue sans jamais le répéter à l’identique), sa rythmique infiniment subtile (la cellule rythmique obsédante du Dix-septième Prélude swingue comme s’il s’agissait d’une pièce de jazz), mais c’est surtout la magie des pianissimos qui émerveille: le Huitième Prélude est joué dans une sorte d’extase religieuse, chaque croche de l’accompagnement se détachant avec un contrôle absolu. La fugue qui suit est comme dissoute par le tempo incroyablement lent, rappelant l’expérience sensorielle procurée par certains enregistrements tardifs de Glenn Gould. Cette approche de Bach ne se fait cependant pas dans le confort: d’une part, l’inventivité rythmique introduit des tensions déstabilisatrices; d’autre part, la sonorité est moins claire qu’à l’ordinaire – est-ce la pédale, l’instrument, ou bien l’articulation des notes collées qui se noient dans l’acoustique de la grande salle? Le résultat, subi ou calculé, nous rapproche parfois plus dans l’esprit d’un orgue d’église que celui d’un piano de salle de concert.


Quelques auditeurs semblent profiter de la pause pour disparaître, peut-être découragés par l’effort intellectuel requis pour entrer dans l’univers musical de l’interprète –à moins qu’ils n’aient été effrayés par le monument beethovénien à venir. Les Variations Diabelli sont pourtant intimement liées au parcours d’Anderszewski: si son interprétation de la musique de Bach peut sembler hétérodoxe, dans Beethoven (et en particulier dans cette œuvre), la pertinence de la vision est indiscutable. Là où certains semblent survoler les partitions les plus exigeantes, se servant de leur technique pour imprimer une vision à l’œuvre, Anderszewski semble, lui, faire le contraire – se forçant à perpétuellement réinventer sa technique pour la modeler sur sa vision de l’œuvre. Ces variations, plus exactement «transformations» ou «métamorphoses» pour reprendre la terminologie utilisée par Beethoven (Veränderungen), prennent, sous les doigts du pianiste, la forme d’objets sonores multidimensionnels abstraits, comme si le thème originel présentait un nombre infini de facettes. Les dynamiques sont extrêmes, les pauses théâtrales; dans cette monumentalité, l’humour surgit parfois au coin d’une phrase, apportant la détente nécessaire pour poursuivre l’audition. C’est miraculeux, car on oublie le piano pour atteindre une jouissance sonore, mais éreintant aussi et on ne sortait pas indemne de ce concert: si un bis semblait impossible, Anderszewski relève le défi en concluant la soirée sur la Première des Bagatelles de l’Opus 126.



Dimitri Finker

 

 

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