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Sobriété inspirée

Toulon
Opéra
01/25/2019 -  et 27*, 29 janvier 2019
Giacomo Puccini: Turandot
Gabriela Georgieva (Turandot), Adriana Gonzalez (Liù), Amadi Lagha (Calaf), Luiz-Ottavio Faria (Timur), Olivier Dumait (Altoum), Frédéric Goncalves (Ping), Antoine Chenuet (Pang), Vincent Ordonneau (Pong), Sébastien Lemoine (un mandarin)
Maîtrise du Conservatoire de Toulon Provence Méditerranée, Chœur de l’Opéra de Toulon, Christophe Bernollin (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra de Toulon, Jurjen Hempel (direction musicale)
Federico Grazzani (mise en scène), Marta Iagati (chorégraphie), Andrea Belli (décors), Valeria Bettella (costumes), Patrick Méeüs (lumières), Luca Scarzella (vidéo)


(© Frédéric Stephan)


Créée à Nice en 2014, cette mise en scène de Federico Grazzani met résolument de côté la pacotille criarde d’une Chine improbable au profit d’une sobriété inspirée et très «design». Présentation épurée dans laquelle subsistent les ingrédients du conte, en demi-teinte, et d’une commedia dell’arte émoussée. Les costumes, notamment les impressionnantes simarres noires portées par le chœur, ont une touche d’élégant modernisme, sinon austère. Pour les protagonistes des tons de gris très chics ont été choisis. Sous les éclairages savants de Patrick Méeüs, la scène donne aux chanteurs une aura fantomatique des plus réussies. Le sol est couvert d’un immense échiquier, tandis qu’au fond, une galerie se fond dans le noir du décor où défile le peuple de Pékin. Elle est surplombée par une lune éblouissante qui jette sur la scène une implacable lumière crue. L’ensemble est saisissant. Louons également une vraie direction d’acteurs, fouillée et précise où les moindres gestes, les moindres regards sont minutieusement travaillés et porteurs de sens.


Le plateau vocal est de très bon niveau: tous les rôles sont tenus avec aisance et, pour Calaf et Liù, avec un indéniable brio. La soprano Gabriela Georgevia, rompue aux grands rôles dramatiques, est une solide Turandot. L’engagement est total et l’incarnation glaciale convaincante. Voix puissante, typiquement bulgare, chaude, au medium ample, aux aigus acérés et métalliques, mais dont les graves sont parfois détimbrés.


Adriana Gonzalez est une Liù superbe, lyrique à souhait, toute de douceur et de détermination, sans excès de pathos. Le chant est bien projeté, le timbre chaleureux et quelques notes superbement filées ravissent le public. A l'applaudimètre, l’autre gagnant de la soirée, c’est le Calaf du ténor franco-tunisien Amadi Lagha. Voix puissante qui dépasse l’orchestre sans difficulté, timbre onctueux, aigus incisifs, son « Nessun dorma» où il n’exagère pas la couleur dramatique est digne des plus grands ténors.


Frédéric Goncalves (Ping), Antoine Chenuet (Pang), Vincent Ordonneau (Pong) assurent leur part de pittoresque avec beaucoup d’aplomb, dans une chorégraphie particulièrement créative et seyante. La basse Luiz-Ottavio Faria (Timur), le ténor Olivier Dumait en Altoum complètent la distribution avec talent et autorité.


Cette production met aussi de côté le final grandiloquent écrit par Franco Alfano au profit de celui composé par Luciano Berio en 2001, plus intimiste, moins tempétueux, et qui donc sied mieux à la proposition scénique. La direction musicale de Jurjen Hempel, directeur musical de l’Opéra de Toulon depuis quelques mois seulement, s’éloigne discrètement d’un lyrisme trop tentant avec cet ouvrage et souligne l’exotisme de la partition sans emphase. Le premier acte est un peu brouillon dans la fosse, mais tout rentre dans un ordre impeccable dès le deuxième acte où l’orchestre répond avec de beaux moments de finesse et d’éclat. Le chœur assure lui aussi une participation digne d’éloges, de même que la Maîtrise du Conservatoire de Toulon Provence Méditerranée.


Vraiment, un Turandot d’exception reçu triomphalement par un public dont l'exigence est bien connue.



Christian Dalzon

 

 

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