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Fin de vie

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Opera Vlaanderen
01/12/2019 -  et 14, 16, 18, 21, 23, 27, 29, 31 décembre 2018 (Antwerpen), 15, 18, 20*, 22, 24 janvier (Gent), 8, 10 mai (Luxembourg) 2019
Georges Bizet: Les Pêcheurs de perles
Elena Tsallagova (Leïla), Charles Workman (Nadir), Stefano Antonucci (Zurga), Stanislav Vorobyov (Nourabad, Jeune Zurga), Bianca Zueneli (Jeune Leïla), Jan Deboom (Jeune Nadir)
Koor Opera Vlaanderen, Jan Schweiger (chef des chœurs), Symfonisch Orkest Opera Vlaanderen, David Reiland (direction musicale)
FC Bergman : Stef Aerts, Marie Vinck, Thomas Verstraeten, Joé Agemans (mise en scène, décor, lumières), Judith Van Herck (costumes)


(© Annemie Augustijns)


Il fallait oser : pour sa première mise en scène à l’opéra, FC Bergman, collectif créé en 2008, situe Les Pêcheurs de perles (1863) dans une maison de repos. Nadir et Zurga retrouvent leur amour de jeunesse, Leïla, elle aussi devenue vieille, tandis qu’évolue à leur côté leur double jeune, incarné par deux danseurs et l’interprète de Nourabad. Le récit se déroule ainsi sur un plateau pivotant en deux parties, l’une représentant la séniorerie, une morgue et une chambre funéraire, l’autre une vague gigantesque, pour tout de même rappeler le contexte maritime de l’histoire originale et symboliser la force de l’amour qui emporte tout. La mise en scène, qui mêle réalité et souvenirs, ne nous épargne pas la déchéance physique des pensionnaires, dont certains tombent morts, l’un, dès le lever de rideau, le nez plongé dans sa tartine. Il faut imaginer que des personnes ont assisté à la représentation du 31 décembre avant de réveillonner.


Pourtant, à condition de ne pas trop s’attacher à la lettre, l’idée a du sens et se tient. Ce spectacle, qui comporte de belles scènes de sensualité, invite à réfléchir sur la jeunesse, le temps qui passe, la vieillesse, les amours irrésolues, la mort – et aussi sur la sexualité des seniors, penseront certains, non sans ironie. Il convient, en outre, de saluer la direction d’acteur, qui rend chaque personnage crédible, et de reconnaître le travail considérable sur le maquillage. Des maladresses ? Il y en a quelques-unes, en particulier lorsque Leïla, qui a retrouvé, par nous ne savons quel miracle, le corps de sa jeunesse, escalade péniblement la vague, après s’être attachée à une corde par mesure de sécurité. Mais cette mise en scène ne laisse pas indifférent, ce que l’Opéra des Flandres voulait, à n’en pas douter.


La distribution suscite une frustration de taille. Malgré un effort en ce sens, la prononciation française pose, en effet, quelques problèmes de compréhension. Il faut espérer que l’Opéra de Lille, qui participe à cette production étonnante, réunira des chanteurs francophones – et il en existe de formidables – lorsque son tour viendra de représenter ce spectacle. Elena Tsallagova, qui interprète Leïla pour la première fois, montre de nouveau sa capacité à chanter tous ses rôles avec talent. Son implication totale compense un timbre peu moelleux, le phrasé et la couleur de la voix demeurant bien ceux d’une colorature apte à évoluer dans des emplois plus lyriques.


Autre prise de rôle : Charles Workman en Nadir. Ce ténor américain au timbre délicat épouse la nature élégiaque de son personnage, comme l’atteste, mais pas seulement, son air très attendu, « Je crois entendre encore», proprement phrasé. Plus crédible physiquement, Stefano Antonucci se démarque en Zurga, moins par sa voix, qui toutefois possède toutefois suffisamment de puissance et de souplesse, que par la justesse de l’expression. Attribuer Nadir et Zurga à des chanteurs de cet âge permet de rendre plus vraisemblable l’adéquation de la voix avec leur apparence, artificiellement vieillie. Le petit rôle de Nourabad revient à Stanislav Vorobyov : le chanteur, qui prête aussi ses traits au jeune Zurga, s’acquitte correctement de sa tâche. Bianca Zueneli et Jan Deboom, les deux danseurs qui incarnent le double de Leïla et de Nadir, forment un magnifique couple d’amoureux.


L’orchestre se montre, une fois de plus, admirable, sous la direction de David Reiland, soucieux de clarté, d’équilibre et de raffinement. Attentif au style de cette musique, le chef belge rend justice à l’orchestration de Bizet. Quant aux chœurs, ils confirment leur excellence vocale et leur engagement proverbial : il n’y a guère de difficulté à les imaginer en fin de vie.



Sébastien Foucart

 

 

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