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Virtuosité russo-italienne

Paris
Maison de la radio
01/16/2019 -  
Antonio Vivaldi: Concertos pour violon en mi mineur «Il Favorito», RV 277, en ré majeur «Il Grosso Mogul», RV 208 [*], et en ré mineur «Per Pisendel», opus 8 n° 7, RV 242 – Concertos pour deux violons en ut mineur, RV 509, et en la mineur, RV 523
Domenico Dall’Oglio: Concerto pour violon en do majeur [*]

Evgeny Sviridov [*] (violon)
Il Pomo d’Oro, Dmitry Sinkovsky (violon et direction)


D. Sinkovsky (© Peter Braig)


La trombe Sinkovsky a encore frappé! On connaît et on apprécie ce violoniste, d’une virtuosité à toute épreuve, doté d’une autorité évidente masquée par un sourire parfois enjôleur, le chignon toujours délicatement noué sur le reste de son crâne rasé. Soliste réputé quand il n’est pas invité à jouer les Konzertmeister au sein de tel ou tel ensemble baroque, il dirigeait ce soir du violon l’excellent orchestre Il Pomo d’Oro dans un concert principalement consacré à Vivaldi mais qui associait à ce dernier le rare Domenico Dall’Oglio (1700-1764), dont on ne connaît que peu de choses mais qui a composé plusieurs concertos pour violon dont un, joué ce soir, au style hybride, ne sachant guère choisir entre ses racines baroques et ses appels à rejoindre l’époque classique.


Dmitry Sinkovsky est brillant. Son jeu est chatoyant et, aucun obstacle technique ne lui faisant peur, sert avec une grande facilité la musique de Vivaldi, à commencer par le superbe Concerto «Il Favorito», qui fut d’une très grande sobriété dans les deux mouvements impairs. Admettons néanmoins que, si le violoniste russe fut d’une musicalité exemplaire dans l’Andante, il ne nous aura pas procuré les mêmes frissons que Viktoria Mullova dans son disque fabuleux, édité il y a quelques années chez Onyx. Le Concerto «Per Pisendel», qu’il a récemment enregistré dans le cadre de la «Vivaldi Edition» publiée chez Naïve, bénéficie d’une interprétation tout aussi convaincante, même si le premier mouvement, joué de façon assez nerveuse, aura parfois pâti d’une articulation moins fluide que ce que l’on pouvait attendre. Remarquons dans ce passage l’accompagnement de l’orchestre, excellent tout au long du concert, à commencer par les contorsions enflammées de la claveciniste Rossella Policardo et les pizzicati presque rageurs du contrebassiste Grigorii Krotenko, presqu’un spectacle à lui tout seul.


Les concertos pour deux violons de Vivaldi ne font pas partie de ses œuvres pour deux instruments les plus connues, ceux pour deux mandolines ou deux trompettes ayant par exemple acquis une bien plus grande notoriété. C’est dommage car Vivaldi expérimente dans les vingt-quatre concertos recensés (souvent inédits) de nouvelles combinaisons euphoniques, les deux solistes se livrant tour à tour une joute, une agréable combinaison, voire un jeu à l’unisson qui sont autant de figures permettant de diversifier l’écoute de l’auditeur. Les Concertos RV 509 et RV 523 ne sont pas inconnus: là encore, Sinkovsky les a très bien enregistrés, épaulé pour l’occasion par Riccardo Minasi (voir ici). Ce soir, place à une des nouvelles étoiles du violon baroque en la personne d’Evgeny Sviridov dont nous avions déjà pu admirer le talent lors du festival de Sablé-sur-Sarthe en août dernier, lorsqu’il avait interprété un rare concerto de Jean-Marie Leclair. Quel soliste! Du haut de ses vingt-cinq ans (vingt-cinq ans!), il démontre une assurance technique égalée seulement par une musicalité hors de pair. Son jeu, en apparence plus timide que celui de Sinkovsky, volontiers plus exubérant (ne serait-ce que dans sa gestique lorsqu’il relance l’orchestre, n’hésitant pas dans quelque accent à donner du talon sur le sol de la scène), est irréprochable, les sonorités vivaldiennes se drapant pour l’occasion de couleurs mordorées qui culminèrent dans l’incroyable Largo du Concerto RV 523. Avant cela, Sviridov avait donné comme soliste deux autres concertos, un de Vivaldi (le fameux Il Grosso Mogul où il livra une cadence, dans le troisième mouvement, tout bonnement exceptionnelle) et donc, un de Dall’Oglio: à n’en pas douter, ce jeune homme a un bel avenir devant lui et s’affirme dès à présent comme un violoniste baroque avec lequel il faut compter.


En bis, comme il l’avait fait lors d’un concert donné Salle Gaveau avec le même ensemble il y a presqu’un an jour pour jour, Dmitry Sinkovsky troqua le violon pour la voix. Excellent haute-contre, il chanta le célébrissime air «Erbarme dich, mein Gott», tiré de la Passion selon saint Matthieu de Bach, air accompagné par l’orchestre et le violon solo de Sviridov. La reprise du Largo du Concerto RV 523 permit aux deux solistes de conclure un concert d’excellente qualité, démontrant une fois encore (pour qui ne serait pas pleinement convaincu) le génie musical du Prêtre roux.


Le site de Dmitry Sinkovsky
Le site d’Evgeny Sviridov
Le site de l’ensemble Il Pomo d’Oro



Sébastien Gauthier

 

 

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