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L’avantage de rester célibataire

Bruxelles
La Monnaie
12/09/2018 -  et 11, 12, 13, 14, 16*, 18, 19, 20, 21, 23 décembre 2018
Gaetano Donizetti: Don Pasquale
Michele Pertusi*/Pietro Spagnoli (Don Pasquale), Lionel Lhote*/Rodion Pogossov (Dottor Malatesta), Joel Prieto*/Anicio Zorzi Giustiniani (Ernesto), Danielle de Niese*/Anne-Catherine Gillet (Norina), Alessandro Abis (Notaro)
Académie des Chœurs de la Monnaie, Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des choeurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Alain Altinoglu (direction)
Laurent Pelly (mise en scène, costumes), Chantal Thomas (décors), Duane Schuler (lumières)


(© Baus)


Un soulagement et du plaisir: voilà ce que ressentent probablement de nombreux habitués de la Monnaie en assistant à cette représentation de Don Pasquale (1843) après un rude début de saison, marquée par une Flûte enchantée radicale – du Castellucci très, voire trop, personnel – et un De la maison des morts par nature très sombre – du Warlikowski égal à lui-même mais en mode mineur. Rien d’étonnant: c’est Laurent Pelly qui règle la mise en scène, créée à Santa Fe en 2014 et rodée à Barcelone l’année suivante, et la scénographie ne tarde pas à séduire, malgré sa simplicité.


L’action se déroule essentiellement dans une structure pivotante qui représente le salon de Don Pasquale, renversé en seconde partie pour illustrer le chamboulement survenu dans la vie jusqu’ici bien ordonnée de ce vieux célibataire. Il s’agit sans doute de la seule, relative, originalité du décor, de bon goût et admirablement éclairé, comme c’est toujours le cas dans les spectacles de Pelly. La direction d’acteur laisse admiratif, par sa capacité à épouser si étroitement la musique et par tous ces détails – un regard, un geste, une attitude – qui font la différence entre un bon et un grand metteur en scène. Et puis cette interprétation de cet argument très classique de la commedia dell’arte a le mérite de traiter avec drôlerie et profondeur un livret, à bien y regarder, quelque peu cruel. Un beau et intelligent spectacle, en somme, plein d’humour et de fantaisie, mais qui ne comptera probablement pas parmi les plus mémorables de son auteur, en regard d’autres grandes réussites à son actif, telles que Don Quichotte, Cendrillon et Le Coq d’or, de véritables références.


Les prestations vocales pâtissent de l’état de santé de deux chanteurs qui tiennent tout de même à honorer leur engagement. Danielle de Niese est annoncée souffrante avant le lever de rideau mais le jeu scénique n’en laisse quasiment rien paraître, et la soprano restitue avec conviction la personnalité extravertie de Norina. La voix, en revanche, perd quelque peu de son agilité et de son éclat, tandis que le chant se révèle de qualité inégale, avec des moments moins aboutis et d’autres où la ligne semble plus nette. La soprano, en artiste très expérimentée, parvient à compenser ses faiblesses par d’autres atouts afin de ne pas trop dépareiller le plateau. Autre malheureux, à son tour annoncé souffrant, mais après l’entracte: Joel Prieto. Son incarnation d’Ernesto laisse toutefois entrevoir un timbre de qualité et une voix fine, en même temps qu’elle témoigne d’une certaine rigueur stylistique. N’y a-t-il pas, tout de même, dans ces annonces, un peu d’exagération, pour réclamer à demi-mot l’indulgence du public à l’égard d’un chanteur qui, pour toute une série de raisons, ne se trouverait pas au sommet de ses capacités?


En revanche, le reste du plateau semble en parfaite santé, pour notre plus grand plaisir. Lionel Lhote campe un Docteur Malatesta parfaitement caractérisé, mélange de classe et de malice, le tout servi par un timbre de qualité et un chant stylé. Malgré un talent évident pour la comédie, le baryton, un des meilleurs chanteurs belges du moment, évite la moindre esbroufe. Le Don Pasquale de Michele Pertusi réjouit par son mélange de bonhommie et d’autorité et suscite la sympathie lorsqu’il subit, dépité et incrédule, la mauvaise humeur de Norina et même l’amusement, lorsqu’il avale une petite pilule bleue ou effectue des pompes afin de se sentir à la hauteur pour son mariage. Le tandem formé par l’infortuné époux et le docteur montre deux chanteurs très agiles, et confirme que Pertusi a tout de l’authentique basse-bouffe bien en verve, même si le chant n’a pas tout l’abatage attendu – l’un comme l’autre se montrent virtuoses dans la syllabation rapide de leur duo du troisième acte. Notons l’intervention très correcte du jeune Alessandro Abis en notaire, chanteur dont la biographie présage d’une excellente progression dans le répertoire belcantiste, en particulier rossinien.


Les choristes, sous la houlette de Martino Faggiani, excellent dans les quelques pages hautement inspirées que Donizetti leur consacre dans cet opéra concentré essentiellement sur quatre personnages. Alain Altinoglu, enfin, rend justice à l’inspiration et à l’orchestration du compositeur. Sa direction, en tout point remarquable, se soucie en permanence de raffinement, de légèreté et de clarté et sait si bien éviter l’emphase et la vulgarité tout en mettant en exergue la subtilité de cette musique irrésistible.



Sébastien Foucart

 

 

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