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Tout Prokofiev

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/09/2018 -  et 6, 7 octobre 2018 (Wien)
Serge Prokofiev : Roméo et Juliette, opus 64: «Les Montaigus et les Capulets», «Juliette jeune fille», «Masques» et «Roméo sur la tombe de Juliette» – Concerto pour piano n° 2, opus 16 – Symphonie n° 6, opus 111
Denis Matsuev (piano)
Wiener Philharmoniker, Valery Gergiev (direction)


V. Gergiev (© Valentin Baranovsky)


La venue deux fois l’an de l’Orchestre philharmonique de Vienne au Théâtre des Champs-Elysées constitue toujours un des moments forts et attendus de la vie symphonique parisienne. Au menu cette fois un ambitieux programme tout Prokofiev associant intelligemment des pièces connues et une œuvre plus rare au concert, la Sixième Symphonie. La présence du désormais incontournable Valery Gergiev, on le sait très apprécié des musiciens viennois, comme du grand pianiste russe du moment, Denis Matsuev, ont aussi participé au succès de ce concert donné devant une salle pleine.


Les extraits de Roméo et Juliette sont débutés à l’arraché, l’orchestre paraissant presque surpris, par un Valery Gergiev qui dirige ici à la main. Il reprendra pour la suite du concert sa désormais célèbre mini-baguette. Se limiter à des extraits d’une pièce aussi magistrale est toujours un peu frustrant. Mais même dans ces 17 minutes, tout le drame shakespearien est présent grâce à la direction passionnée du chef russe. L’orchestre, manifestement dans un très bon jour, répond avec précision et force aux sollicitations de Gergiev. Les dissonances des cuivres poussés à leur paroxysme expriment la tension, les rythmes pointés aux cordes la marche, avant que le drame, puis les masques, ne mènent dans des tutti fracassants aux portes du tombeau. L’orchestre, précis et investi, est au rendez-vous de cette lecture passionnée et passionnante et sans doute mûrie par le temps.


Le Deuxième Concerto pour piano, composé à 22 ans (!), est sans aucun doute l’une des pièces les plus marquantes du répertoire de cette époque. Presque aussi célèbre que le Troisième, il est quant à lui en quatre parties dominées par des mouvements vifs. Cette vivacité rebondissante correspond bien à la lecture proposée par Denis Matsuev, qui n’a jamais semblé aussi impérial que dans cette œuvre redoutable. Pas une bavure, un engagement de chaque seconde, une force percussive peu commune et une précision infaillible, notamment dans les redoutables cadences, font de ce pianiste un interprète unique de cette musique. Le dialogue avec l’orchestre est d’une grande lisibilité, notamment dans le jubilatoire scherzo, ce qui permet de goûter toutes les subtilités et raffinements d’une orchestration incroyablement foisonnante. En bis, Matsuev montre une facette différente de son talent, avec une toujours étonnante Etude-Tableau (opus 39 n° 2) de Rachmaninov ici délicieusement poétique.


Mais le grand moment de ce concert fut sans aucun doute cette extraordinaire interprétation de la Sixième Symphonie, une œuvre trop rare au concert. Composée au sortir de la Seconde Guerre mondiale, elle est en trois mouvements. Son début, avec ses bizarres accords descendants confiés aux cuivres, n’est qu’une fausse piste avant un développement plus traditionnel alliant comme toujours chez Prokofiev rythmicité et lyrisme. Les magnifiques cordes viennoises, l’harmonie subtile et charmeuse à la fois, les percussions s’en donnent à cœur joie, tous conduits par la direction toujours un peu surprenante, mais efficace, de Valery Gergiev. L’angoissant Largo est conduit avec la tension intrinsèque à cette déploration, qui n’exclut pas quelques moments illuminés par la beauté des interventions suspendues du hautbois et de la clarinette solo. Le final au rythme pesant et aux coups de timbales récurrents crée à nouveau un sentiment d’oppression pas complétement levé par l’extrême fin de l’œuvre, pourtant plus légère. Gergiev obtient ce qu’il veut de ce magnifique orchestre tout en y mettant toute l’expérience de sa fréquentation on le sait régulière des œuvres de Prokofiev. Ce résultat est d’autant plus spectaculaire que les musiciens viennois ne sont pas forcément familiers de cette symphonie, pourtant un vrai chef-d’œuvre. Une magnifique (re)découverte au plus haut niveau!


Si vous souhaitez entendre prochainement Valery Gergiev à Paris, rendez-vous le 26 janvier prochain dans cette même salle avec cette fois l’Orchestre philharmonique de Rotterdam dans un programme comprenant à nouveau cette Sixième Symphonie en même temps que le Premier Concerto pour violon de Chostakovitch. Quant au Philharmonique de Vienne, vous pourrez à nouveau le retrouver le 4 juin dans un programme Berlioz et Schumman donné cette fois sous la direction de Mariss Jansons, un autre chef aimé de ces magnifiques musiciens viennois.



Gilles Lesur

 

 

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