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Le retour du fils prodige

Oviedo
Museo de Bellas Artes
08/07/2018 -  et 1er (Venturada), 7 (Rascafria) juillet 2018
Johann Sebastian Bach : Sonate pour violon seul n° 3, BWV 1005 (arrangement pour alto)
Paul Hindemith : Sonate pour alto seul n° 1, opus 11 n° 5
György Ligeti : Sonate pour alto

Jesus Rodolfo (alto)


J. Rodolfo (© Stéphane Guy)


La grande revue musicale espagnole Scherzo de juillet était introuvable à la fin du mois dernier dans le centre d’Oviedo. La raison? L’enfant du pays, l’altiste Jesus Rodolfo, en faisait la couverture et on s’était arraché les exemplaires. Alors qu’en France, les revues musicales se battent avec de gros titres et affichent quasiment systématiquement des stars du passé ou d’aujourd’hui, cette excellente revue soutient des artistes en devenir. Et la presse locale n’est pas en reste: La Nueva Espana du 7 août reproduit aussi un grand entretien avec l’artiste de trente et un ans. Sans doute ici, comme trop souvent, le prestige de l’artiste est en partie dû à son expatriation de l’autre côté de l’océan – mythologie puissante aux Asturies – puisqu’il est installé à New-York depuis une dizaine d’années, ce qui comporte tout de même un aspect un peu attristant au regard de la vie musicale hispanique. Mais cela en dit long, à l’inverse, sur la soif de musique aux Asturies et la curiosité qui règne d’une façon générale de ce côté des Pyrénées. D’autant que l’artiste présente tant au disque – bientôt un troisième – qu’au concert (Madrid et Oviedo en 2018) des programmes plutôt ardus.


Pour le retour du fils prodige sur ses terres, dans l’un des deux patios du Musée des Beaux-Arts d’Oviedo, l’affiche correspondait d’ailleurs au deuxième disque de Jesus Rodolfo et, après Bach, était consacré à Paul Hindemith (1895-1963) et György Ligeti (1923-2006) dans des pages difficiles.


De Johann Sebastian Bach (1685-1750), on entendit tout d’abord une lecture à l’alto de sa Troisième Sonate pour violon seul. Si le début ne paraît guère habité, les deux derniers mouvements sont plus précis et ne manquent pas d’élégance, l’acoustique des lieux, très réverbérée, n’étant pour une fois pas trop gênante.


Après avoir enregistré les Sonates pour piano et alto et joué l’intégrale de ses Sonates pour alto à Madrid début juillet, l’altiste poursuit ensuite sa défense de l’œuvre de Hindemith en reprenant à Oviedo sa Première Sonate (1919). Il est plus que louable que Jesus Rodolfo se fasse ainsi le promoteur d’un compositeur parfois décrié pour sa lourdeur toute teutonique et son écriture souvent ingrate, mais qui fut aussi un grand interprète à l’alto, longtemps exilé aux Etats-Unis. L’œuvre en question ne supporte clairement pas l’approximation: aux dissonances, il convient de ne pas rajouter de fausses notes. Elle n’admet pas plus le son du crin écrasé sur les cordes: il est inutile de l’alourdir et d’en exagérer l’audace au risque d’être à côté voire anachronique. Jesus Rodolfo relève le défi de la façon la plus convaincante qui soit. Il en révèle toutes les richesses sonores qui vont bien au-delà de la brillante étude instrumentale que l’auteur avait écrite au premier chef pour lui-même. Il sait passer de la puissance du premier mouvement aux pianissimos du dernier en passant par un scherzo rapide et teinté d’humour. La tenue du discours et la souplesse de l’archet restent impressionnantes de bout en bout. On sent que Jesus Rodolfo comprend cette musique et la connaît à fond. Ses chausse-trappes n’ont aucun secret pour lui et il en est à l’évidence un interprète d’exception grâce à un travail acharné que ne doit pas occulter sa recherche vestimentaire.


Il achève alors son récital par la Sonate pour alto (1994) de Ligeti. Plus jouissive que l’œuvre précédente, elle est tout aussi redoutable. Jesus Rodolfo en est également un interprète idéal. Il maîtrise les extrêmes aigus, jusqu’à l’extinction de voix, du premier mouvement comme la virtuosité du Prestissimo; il sait transmettre la douleur du Lamento et propose une lecture presque religieuse de la Chaconne finale, rappelant quasiment la musique de la Renaissance.


Sans perdre de temps et semblant toujours très à l’aise, Jesus Rodolfo offre enfin en bis le premier mouvement déconcertant de la Deuxième Sonate d’Eugène Ysaÿe écrite initialement pour violon, où l’obsession de Bach permet à l’interprète de fermer brillamment la boucle du concert. Celui-ci aura ainsi été jusqu’au bout audacieux et passionnant. Comme le note la revue Scherzo, Jesus Rodolfo mérite à l’évidence d’être suivi attentivement: il a en effet des choses à dire.


Le site de Jesus Rodolfo



Stéphane Guy

 

 

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