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Samson de luxe aux Champs-Elysées

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
06/12/2018 -  et 15* juin 2018
Camille Saint-Saëns : Samson et Dalila, opus 47
Roberto Alagna (Samson), Marie-Nicole Lemieux (Dalila), Laurent Naouri (Le Grand Prêtre), Alexander Tsymbalyuk (Abimélech), Renaud Delaigue (Un vieillard hébreu), Loïc Félix (Un messager philistin), Jérémy Duffau, Yuri Kissin (Philistins)
Chœur de Radio France, Martina Batic (chef de chœur), Orchestre national de France, Mikhail Tatarnikov (direction)


M. Tatarnikov


Comme on l’espérait, ce Samson de Roberto Alagna ! Mais le ténor a sagement attendu, ne l’abordant pour la première fois que le mois dernier, à l’Opéra de Vienne. Il a bien fait : le rôle semble aujourd’hui fait pour lui. La voix a conservé une étonnante santé, même si elle peut parfois vibrer un peu ou si le soleil s’en est légèrement voilé. Le passage, surtout, reste intact, le préservant de toute tension excessive – or Samson, comme la plupart des rôles de « fort ténor », se situe la plupart du temps dans cette zone, en époumonant plus d’un. L’aigu a gardé son brillant, à l’extrême d’une voix aujourd’hui plus corsée mais à l’homogénéité préservée. Voici donc un Samson encore jeune et conquérant, auquel ne manquent, au deuxième acte, que les accents douloureux d’un héros écartelé entre son désir et sa mission... mais dont la Meule, au troisième, sera d’une intensité bouleversée et bouleversante.


Avouons que Marie-Nicole Lemieux nous inquiétait un peu. A tort. Elle s’apparie très bien à ce Samson très français, par la clarté de l’articulation, le refus des notes de poitrine écrasées, la soudure des registres – à l’opposé de certaines Dalila venues d’Italie ou de l’Est. D’un bout à l’autre de la partition, elle veille au modelé de la ligne de chant, entretenant une ambiguïté qui ne se dissipera qu’au dernier acte, lorsque se libérera le venin d’une haine enfin assouvie : elle l’aura, jusque-là, savamment dissimulée, avec un raffinement savant – qui, ici ou là, aura peut-être frisé l’afféterie. Comment ne pas laisser prendre au piège d’une sensualité si caressante, lovée dans un chant rebelle à l’effet ?


Le timbre râpeux de Laurent Naouri sied bien au Grand Prêtre, comme son art de la déclamation, qu’il met au service de la morgue du fanatique, dont chaque mot semble être un concentré de haine, parfaite antithèse du noble Vieillard hébreu de Romain Delaigue – on a, pour une fois, distribué une vraie basse profonde. Les rôles secondaires sont impeccablement tenus, si bien que, au milieu de cette distribution pertinemment francophone, l’Abimélech d’Alexander Tsymbalyuk, malgré sa magnifique voix, paraît très incongru – alors qu’on aurait pu ici trouver aisément un chanteur français et le laisser à son Boris de Bastille.


Au pupitre, ce devait être à l’origine Bertrand de Billy et ce fut Mikhail Tatarnikov, qui a pour nous créé la surprise. Qu’il prenne son temps et penche parfois plus vers l’oratorio que vers l’opéra n’est nullement trahison pour Samson et Dalila. Et ne pas lâcher la bride lui permet de tenir le dernier tableau, avec une Bacchanale coruscante mais jamais vulgaire – ce tableau constitue la pierre d’achoppement de beaucoup d’interprétations. Plus qu’à l’urgence, le chef russe s’attache aux atmosphères, à travers des couleurs raffinées et une très belle pâte sonore – magnifiques introductions ou transitions orchestrales. Cela dit, il sait déchaîner l’orage à la fin du deuxième acte. Si bien qu’on passe volontiers sur quelques baisses de tension ou quelques lourdeurs. Le National joue le jeu, le chœur, vrai personnage au premier et au dernier acte, est à la hauteur.


Un des plus beaux concerts de la saison... et une de ces soirées de chant français dont l’Opéra se montre si avare.



Didier van Moere

 

 

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