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Doublé gagnant

Paris
Opéra Bastille
05/17/2018 -  & 19*, 22, 27, 30 mai, 2, 8, 12, 14, 17 juin 2018
Maurice Ravel : L’Heure espagnole
Giacomo Puccini : Gianni Schicchi

Clémentine Margaine*/Michèle Losier (Concepcion), Stanislas de Barbeyrac (Gonzalve), Philippe Talbot (Torquemada), Jean-Luc Ballestra*/Thomas Dolié (Ramiro), Nicolas Courjal (Don Inigo Gomez)
Artur Rucinski/Carlo Lepore (Gianni Schicchi), Elsa Dreisig (Lauretta), Rebecca De Pont Davies (Zita), Vittorio Grigolo*/Frédéric Antoun (Rinuccio), Philippe Talbot (Gherardo), Emmanuelle de Negri (Nella), Nicolas Courjal (Betto), Maurizio Muraro (Simone), Jean-Luc Ballestra (Marco), Isabelle Druet (La Ciesca), Pietro Di Bianco (Maestro Spinelloccio), Tomasz Kumięga (Amantio di Nicolao), Mateusz Hoedt (Pinellino), Piotr Kumon (Guccio)
Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Orchestre de l’Opéra national de Paris, Maxime Pascal (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène, costumes), Florence Evrard, Caroline Ginet (décors), Joël Adam (lumières), Agathe Mélinand (dramaturgie)


C. Margaine, N. Courjal, J.-L. Ballestra (L’Heure espagnole)

(© Svetlana Loboff/Opéra national de Paris)



Ce diptyque Ravel/Puccini avait été présenté en 2004. Plus de dix ans après, il tient toujours le coup et l’appariement de L’Heure espagnole et de Gianni Schicchi fonctionne. Sans doute grâce à Laurent Pelly, qui parvient à les relier. La boutique de l’horloger, la chambre du défunt sont un fatras... et l’on cachera le cadavre dans une horloge. Schicchi, de toute façon, est un rusé comme Concepcion – l’un et l’autre trompent leur monde, pour le plaisir ou l’argent. Et chaque histoire est liée à une ville : des guitares, un taureau empaillé encombrent la boutique de l’horloger sévillan, Florence constitue l’arrière-plan du décor de l’opéra puccinien. Les deux spectacles sont réglés... comme une horloge, sans que le comique tombe dans la farce – alors que les sous-entendus sexuels du texte de Franc-Nohain ne sont pas éludés, avec des personnages très mobiles, parfaitement croqués. C’est une des réussites de Laurent Pelly.


Pour L’Heure espagnole, l’Opéra s’est enfin souvenu qu’il existait des chanteurs français capables de restituer l’esprit de l’œuvre. Voix sensuellement pulpeuse, Clémentine Margaine ne fait, du grave à l’aigu, qu’une bouchée de Concepcion, irrésistiblement aguicheuse et coquine, plus goulue que frustrée, mais pas vulgaire, épouse d’un Torquemada auquel Philippe Talbot donne non seulement un visage, mais une voix là où l’on distribue souvent des chanteurs en fin de course. Aurait-on imaginé Stanislas de Barbeyrac en rimailleur rocker à pattes d’éléphant, se déhanchant comme un diable tout en chantant comme un dieu, avec un dosage idéal de l’émission, voix mixte ou de poitrine ? Le Ramiro de Jean-Luc Ballestra est aussi pataud que son chant est stylé – et le timbre a du velours. Pas moins stylé, Nicolas Courjal, exemplaire diseur, a la concupiscence grandiloquente du banquier pansu. Une fois n’est pas coutume non plus, on a fait confiance à un jeune chef français : Maxime Pascal a compris les secrets de l’orchestre de Ravel, qu’il éclaire sans l’assécher, avec ce qu’il faut de distance ironique, parfois de poésie aussi, se gardant de surligner grossièrement le pittoresque hispanisant.



E. Dreisig, V. Grigolo (Gianni Schicchi)
(© Svetlana Loboff/Opéra national de Paris)



Allait-il se couler aussi aisément dans la musique de Puccini ? Oui. De toute façon, les deux partitions ne sont pas si éloignées : Gianni Schicchi, sauf pour les deux amoureux, relève un peu de la conversation musicale comme L’Heure espagnole et la « modernité » de Puccini exclut souvent ici ces harmonies et ces couleurs voluptueuses qui font le succès de ses opéras les plus célèbres, le rapprochant ainsi de Ravel. La direction vive et déliée de Maxime Pascal fait mouche. Le plateau, en revanche, n’atteint pas toujours le niveau de celui de L’Heure espagnole. Artur Rucinski, dont la voix ne se projette pas toujours généreusement, campe un Schicchi drôle et madré mais sans la subtilité que doit avoir une vraie basse buffa. La Lauretta bien en voix d’une Elsa Dreisig n’a vraiment rien d’italien et son solide « O mio babbino caro » manque de la rondeur et des nuances qui devraient le rendre irrésistible. Cela aggrave le contraste avec Vittorio Grigolo, Rinuccio conquérant tout de lumière latine, à l’aigu insolent. Les autres composent un impeccable ensemble, où chacun compose un personnage malgré la modestie de sa partie et où l’on retrouve, Stanislas de Barbeyrac mis à part, l’équipe de L’Heure espagnole – les acidités de Rebecca De Pont Davies ne nuisent pas à Zita. Mais Gianni Schicchi, justement, c’est d’abord un ensemble, qui fait ici oublier les réserves inspirées par Schicchi et Lauretta.



Didier van Moere

 

 

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