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Ce que «charisme» veut dire

Paris
Maison de la radio
05/17/2018 -  
Johannes Brahms : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, opus 77
Robert Schumann : Symphonie n° 4 en ré mineur, opus 120

Ye-Eun Choi (violon)
Orchestre national de France, Riccardo Muti (direction)


R. Muti (© Silvia Lelli)


C’est toujours un des concerts les plus attendus de la saison de l’Orchestre national de France: la venue, presque chaque année, de Riccardo Muti. Car, depuis cette première collaboration le 11 avril 1980, le chef italien n’a cessé d’être invité par le National, donnant plusieurs concerts restés dans les mémoires où Cherubini, Verdi, Ravel ou Haydn, mais aussi Honegger, Ginastera ou Scriabine ont été programmés pour le plus grand bonheur d’un public français aussi fidèle qu’admiratif à l’égard du maestro.


Qu’on ne compte pas sur Riccardo Muti pour bouleverser ou révolutionner l’interprétation du grand répertoire! Les tempi demeurent sages (on pourrait d’ailleurs presque dire qu’ils se ralentissent au fil des années), le legato s’avère bien présent, l’effectif orchestral reste conséquent: autant dire que nous avons là tous les éléments d’une interprétation on ne peut plus «traditionnelle». Et pourtant, ce Concerto pour violon de Brahms nous est apparu étonnamment léger, d’une très grande clarté, à mille lieues de ce que l’on peut souvent entendre dans cette véritable symphonie avec soliste obligé. Dès l’entrée de l’orchestre, les couleurs brahmsiennes sont bel et bien présentes, Muti n’ayant pas grand-chose à faire pour tirer des cordes de l’orchestre tout le soyeux et l’ampleur apaisée souhaitées par la partition. Quel cadre pour la jeune violoniste coréenne Ye-Eun Choi, qui remplaçait ce soir Julia Fischer, souffrante! Bardée de prix et protégée d’Anne-Sophie Mutter, Ye-Eun Choi, très concentrée, démontre l’étendue de sa technique et de sa musicalité dans un premier mouvement stylistiquement parfait: le dialogue avec l’orchestre est harmonieux, l’un emboîtant le pas de l’autre avec un naturel confondant (l’entrée des cordes, sur un léger mouvement du poignet gauche de Muti, juste après la cadence) qui trouva son apogée dans un Adagio d’anthologie. Il faut dire que l’orchestre, à commencer par l’irréprochable Mathilde Lebert au hautbois solo, est de nouveau pleinement à l’écoute de la soliste, qui prend son temps, faisant montre de sonorités aussi riches qu’épanouies: du grand art. On regrettera, en revanche, un troisième mouvement où le chef italien fait prévaloir la dimension ma non troppo sur l’aspect strictement Allegro giocoso: le tempo trop retenu à notre sens empêche la soliste de s’en donner à cœur joie, ce mouvement conclusif ayant sans doute trop privilégié l’élégance sur le léger grain de folie qu’on aurait pu souhaiter y entendre. Chaleureusement saluée tant par le public que par le chef et l’orchestre, Ye-Eun Choi donna en bis l’Andante de la Deuxième Sonate de Bach dans un silence qui témoignait de l’attention de chacun.


Riccardo Muti a enregistré l’intégrale des Symphonies de Schumann à deux reprises, avec le New Philharmonia et avec le Philharmonique de Vienne (d’ailleurs, il dirigera de nouveau la Deuxième Symphonie cet été à la tête des Viennois au festival de Salzbourg, en complément du concert au cours duquel sera également donnée la Messe en mi bémol majeur de Schubert). Autant dire que le chef napolitain est on ne peut plus en terrain connu, la Quatrième Symphonie ayant d’ailleurs déjà conclu le premier concert donné avec le National en mars 1980. Avouons, et cela nous coûte d’ailleurs un peu de l’écrire, que Riccardo Muti ne nous aura pas pleinement emporté en raison – mais c’est un trait qui caractérise de plus en plus ses interprétations tant au concert qu’au disque – de tempi trop retenus. D’où, fréquemment, une certaine lourdeur voire, comme ce fut le cas dans le premier mouvement, un léger ennui. Certes, la première partie du premier mouvement, Ziemlich langsam («plutôt lent»), fut logiquement prise moins rapidement que la seconde, Lebhaft («animé»), mais le contraste ne fut pas des plus saisissants: Muti insiste davantage sur la beauté orchestrale (les cordes du National, galvanisées comme toujours lors des «grands» concerts...) que sur la dynamique globale, se voulant plus un peintre pointilliste (une phrase des altos, un contrechant des violoncelles) que l’auteur d’une vaste fresque d’un seul et même tenant. Le deuxième mouvement tend également à faire un peu trop de surplace, le violoniste solo Luc Héry – chaleureusement congratulé, empoigné même, par le chef au moment des saluts! – et le violoncelliste solo Jean-Luc Bourré ayant à cette occasion fait montre d’un jeu d’une grande finesse. Le troisième mouvement (Scherzo: Lebhaft) fut le plus réussi car pris à assez bonne allure, avançant comme il convenait même s’il aurait pu être là encore un rien plus vif. Après un dernier mouvement où les contrastes de tempi pouvaient un rien surprendre, le public n’en réserva pas moins une véritable ovation au chef.


Décidément, Riccardo Muti reste une des coqueluches du public français: rendez-vous avec le maestro le 25 mai prochain, à la Philharmonie de Paris, pour un programme italien à la tête de l’Orchestre des jeunes Luigi Cherubini.


Le site de Riccardo Muti
Le site de Ye-Eun Choi



Sébastien Gauthier

 

 

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