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Vers la fin d'un long purgatoire?

Milano
Teatro alla Scala
04/15/2018 -  et 18, 21, 26, 29 avril, 2, 6, 10, 13* mai 2018
Riccardo Zandonai : Francesca da Rimini
María José Siri (Francesca), Marcelo Puente (Paolo il Bello), Gabriele Viviani (Giovanni lo Sciancato), Luciano Ganci (Malatestino dall’Occhio), Alisa Kolosova (Samaritana), Costantino Finucci (Ostaslo), Sara Rossini (Biancofiore), Valentina Boi (Garsenda), Diana Haller (Altichiara), Alessia Nadin (Adonella), Idunnu Münch (Smaragdi), Matteo Desole (Ser Toldo), Elia Fabbian (Il Giullare), Hun Kim (Il Balestriere, Un Prigioniero), Lasha Sesitashvili (Il Torrigiano)
Coro del Teatro alla Scala, Bruno Casoni (préparation), Orchestra del Teatro alla Scala, Fabio Luisi (direction musicale)
David Pountney (mise en scène), Leslie Travers (décors), Marie-Jeanne Lecca (costumes), Fabrice Kebour (lumières), Denni Sayers (chorégraphie)


(© Brescia/Amisano Teatro alla Scala)


Depuis quelques années, la Scala se fixe pour objectif de remettre en valeur le répertoire italien, notamment le belcanto et les ouvrages du début du siècle dernier. Francesca da Rimini, qui vient d’avoir les honneurs d’une nouvelle production, entre dans cette dernière catégorie. Créé en 1914 à Turin, l’opéra a tenu le haut de l’affiche des années durant, fascinant toutes les divas de l’époque, avant de tomber dans l’oubli. La dernière représentation à Milan a eu lieu en 1959. Le librettiste, Tito Ricordi, s’est inspiré d’une pièce de Gabriele d’Annunzio destinée à sa maîtresse, Eleonora Duse. L’intrigue est déjà évoquée par Dante dans La Divine Comédie. L’histoire se déroule à la Renaissance, alors que s’affrontent Guelfes et Gibelins. Le père de Francesca entend marier sa fille à l’aîné d’une famille rivale, dans un souci d’apaisement. Mais l’heureux élu est infirme et, pour forcer son consentement, on fait croire à l’héroïne que son fiancé est le frère de l'infirme, d’une grande beauté lui. Un troisième frère a aussi des visées sur Francesca. L’orchestration est particulièrement flamboyante et raffinée, avec une riche palette de couleurs et de nuances, alternant passages au lyrisme exacerbé et pages plus dramatiques et violentes.


La réussite de la nouvelle production milanaise tient d’abord à la direction musicale magistrale de Fabio Luisi. Le chef déploie toute la gamme dynamique et accentue habilement les contrastes entre les passages lyriques de la partition, teintés de sensualité mais aussi de mélancolie, et les scènes plus dramatiques, dans lesquelles l’orchestration se fait luxuriante et sonore. Il fait preuve d’un sens du théâtre et de l’intensité dramatique jamais pris en défaut ainsi que d’une certaine emphase, mais sans jamais couvrir les chanteurs. Dans le rôle-titre, María José Siri dresse le portrait convaincant d’une femme non seulement amoureuse et contemplative, mais aussi combative et volontaire lorsqu’il s’agit d’affronter son beau-frère. La voix est ample et lumineuse et la ligne de chant solide et homogène ; tout au plus pourrait-on regretter un manque de sensualité et d’abandon dans le timbre. Le ténor Marcelo Puente prête son physique avantageux au personnage de Paul le Beau, avec son timbre soyeux aux couleurs foncées. Le contraste est d’autant plus frappant avec la voix plus légère de Luciano Ganci en Malatestino, qui parvient à habiter totalement son personnage de perfide et de pervers. En Giovanni, Gabriele Viviani réussit parfaitement à montrer la dualité du personnage, noble et raffiné face à Francesca, mais violent et cruel face aux autres protagonistes. Les rôles secondaires sont d’excellent niveau, à commencer par Idunnu Münch en Smaragdi, ou encore les servantes de Francesca.


A l’instar de la direction musicale, la mise en scène de David Pountney joue sur les contrastes de l’ouvrage, dans les décors monumentaux de Leslie Travers. D’un côté, un énorme buste de femme, qui sera transpercé de lances pour évoquer la violence dont est victime Francesca, qui se croyait promise à Paolo et qui doit épouser Gianciotto, ainsi qu’un livre géant qui sert à la fois de distraction et de lit à l’héroïne ; de l’autre, une immense structure métallique pivotante, avec un énorme canon et un avion cloué au sol. Les femmes sont habillées de costumes blancs rappelant la Renaissance, alors que les hommes portent des uniformes noirs de la période fasciste. Une dichotomie peut-être un peu simpliste certes, mais évoquée par des images très fortes, qui resteront longtemps dans les mémoires des spectateurs. Il ne reste plus qu’à espérer que la réussite de cette nouvelle production milanaise marquera le début de la renaissance d’une œuvre qui mérite amplement d’entrer au répertoire des théâtres lyriques.



Claudio Poloni

 

 

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