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Enfin Parsifal vint...

Paris
Opéra Bastille
05/13/2018 -  et 16, 20, 23 mai 2018
Richard Wagner : Parsifal
Peter Mattei (Amfortas), Günther Groissböck (Gurnemanz), Andreas Schager (Parsifal), Anja Kampe (Kundry), Evgeny Nikitin (Klingsor), Reinhard Hagen (Titurel), Gianluca Zampieri, Luke Stoker (Zwei Gralsritter), Alisa Jordheim, Megan Marino, Michael Smallwood, Franz Gürtelschmied (Vier Knappen), Anna Siminska, Katharina Melnikova, Samantha Gossard, Tamara Banjesevic, Anna Palimina, Marie-Luise Dressen (Klingsors Zaubermädchen), Daniela Entcheva (Eine Altstimme aus der Höhe)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction musicale)
Richard Jones (mise en scène), ULTZ (décors et costumes), Mimi Jordan Sherin (lumières), Lucy Burge (chorégraphie)


A. Kampe, E. Nikitin (© Emilie Brouchon/Opéra national de Paris)


Le problème technique étant résolu, on a enfin pu voir à Bastille le « festival scénique sacré »... mais quatre représentations sur huit auront été annulées. Ceux qui en ont été privés doivent-il se consumer de regrets ? Rien n’est moins sûr.


La production commandée par Gerard Mortier à Krzysztof Warlikowski en 2008 avait suscité beaucoup de remous. Il est vrai qu’elle bousculait, irritait, dérangeait. Au moins marquait-elle les esprits : elle avait une dimension, proposait une vision, qui font défaut à celle de Richard Jones. Celui-ci oppose « le dogmatisme » de la communauté à « l’hypnose sexuelle » incarnée par Klingsor – deux formes d’anti-nature, finalement. Le premier et le troisième acte, ainsi, se déroulent à l’intérieur d’un collège où une secte aux ambitions planétaires façonne les jeunes esprits : le livre de son fondateur, sans doute Titurel, intitulé « Wort » et traduit en plusieurs langues, en constitue l’évangile. Au deuxième acte, Klingsor se livre à des manipulations génétiques, dont les fruits – si l’on peut dire – seront les Filles-fleurs, créatures féminines en forme d’épis de maïs, dotés de seins généreux de déesses mères... Kundry, après tout, n’est-elle pas un substitut de Herzeleide, la mère de Parsifal ? Elles finiront squelettes calcinés...


Autant dire qu’on est loin du message wagnérien que, sans doute, le metteur en scène britannique entend dénoncer, du moins dans ses dérives. Le dénouement nous le confirme peut-être, qui n’est pas sans ambiguïté : Parsifal a perdu la vue, mais accède sans doute à une lumière intérieure – un lieu commun. Il entraîne à sa suite Kundry, devenue Marie-Madeleine aux cheveux blonds, et tous les membres de la secte, qui laissent là leur volume de « Wort », abandonnant un Gurnemanz parkinsonien. Est-ce le Christ, suivi de ses disciples, balayant les anciens dogmes... ou un gourou, fondateur d’une nouvelle secte ? On ne sait pas vraiment si tout change ou si tout recommence... Il est aussi étrange que Klingsor, au lieu de tenter d’atteindre Parsifal avec la lance, ait semblé la lui donner, dans un geste de transmission...


Pas si original au regard de la mise en scène d’opéra aujourd’hui, le propos reste en même temps assez littéral – la lance, la coupe, la blessure d’Amfortas – et la direction d’acteurs, aussi diligente soit-elle, ne va guère au-delà d’une certaine tradition. Elle échoue d’ailleurs, dans les passages les plus dramatiques, à créer une certaine tension, ce dont pâtissent les scènes d’Amfortas et l’affrontement entre Parsifal et Kundry – à la fin, il tourne totalement à vide. La séduction des Filles-fleurs, elle, se dégrade en une obscénité de seconde zone qui frise le grotesque. A la différence de Warlikowski, le metteur en scène n’a pas les moyens de ses ambitions.


L’ensemble pâtit aussi de la direction atone de Philippe Jordan. Le Prélude promet : belle pâte sonore, fluide mais dense, beaux équilibres entre les pupitres. Or le chef ne soutient pas l’intérêt dans le long récit de Gurnemanz, avant de se rappeler heureusement qu’il doit raconter une histoire. On attend donc beaucoup du deuxième acte, qui déçoit par l’incapacité à tendre l’arc, à restituer les élans tourmentés des protagonistes, à déployer la séduction vénéneuse des Filles-fleurs. Comme si Jordan fils, adepte d’une lecture exclusivement plastique, n’allait pas au-delà des notes, insensible à l’enchantement frémissant du Vendredi Saint ou à l’aura mystique du dernier tableau. Cela dit, chacun sait que le directeur musical de l’Opéra n’est jamais à son avantage lors des premières...


La distribution tient la route, homogène mais sans relief particulier. Andreas Schager doit revenir chanter Tristan la saison prochaine : gageons qu’il aura appris la nuance et aura plus de manières, aujourd’hui Parsifal robuste, seulement robuste – avec un timbre assez ingrat, rien moins que « chaste fol ». Même un peu limitée parfois, assez courte au niveau du médium, Anja Kampe, en revanche, est bien Kundry, la magicienne sulfureuse et torturée. Peter Mattei ne met pas à vif la plaie d’Amfortas, gardant une noble sobriété dans la conduite de la ligne de chant, quitte à neutraliser un peu le personnage. Günther Groissböck n’a pas moins de noblesse en Gurnemanz maître d’école, dégaine et survêt de prof de sport au début, mais pourrait être plus irradiant, surtout le Vendredi Saint. Evgeny Nikitin est un rescapé de la production de 2008, toujours rebelle à l’outrance dans la noirceur, Reinhard Hagen campant pour une fois un Titurel en pleine santé vocale. Très beau chœur d’hommes – un des protagonistes de Parsifal.


Rien de saillant, donc. Mais des annulations en série ont de quoi démobiliser une équipe. Gageons que les dernières représentations la stimuleront davantage.



Didier van Moere

 

 

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