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De la difficulté de faire venir un nouveau public au classique

Geneva
Victoria Hall
03/07/2018 -  et 8 mars 2018 (Lausanne)
Johann Strauss: An der schönen, blauen Donau, opus 314
Edouard Lalo: Symphonie espagnole, opus 21
Richard Strauss: Also sprach Zarathustra, opus 30

Renaud Capuçon (violon)
Orchestre de la Suisse Romande, Sir Mark Elder (direction)


M. Elder


Voici une soirée inhabituelle dont il n’est pas simple de parler. Ce concert était donné hors abonnement à la fin de la saison hivernale, période qui n’est pas toujours idéale pour remplir les salles. Il y avait ainsi un public un peu moins nombreux que d’habitude et une présence importante de jeunes auditeurs, ce dont il faut naturellement se féliciter mais cela ne se fait pas si facilement.


Sans qu’ils manquent de respect pour leurs voisins et pour les musiciens, une partie de la salle n’était pas très concentrée et applaudissait après chaque mouvement, générant quelques regards embarrassés des musiciens. Plus dérangeant, il y a dans le Zarathoustra de Richard Strauss une longue pause après un tutti fff au milieu de l’œuvre (mesure 337 pour les Beckmesser des partitions). C’est le moment tragique où il faut laisser la musique respirer et repartir. Ce n’est pas le moment d’applaudir et il faut reconnaître qu’il est nécessaire de connaître l’œuvre pour savoir qu’elle ne s’arrête pas là. Il y a de nombreux morceaux qui ont cette caractéristique : le finale de la Cinquième Symphonie de Tchaïkovski ou la dernière scène du Jenůfa de Janácek. En applaudissant à ce moment, la tension créée par les musiciens est cassée et ne se rattrape plus. C’est positif de faire venir un nouveau public à la musique classique mais il n’est pas possible de ne pas reconnaître que la soirée a été un peu gâchée.


Revenons à la musique. Même si elles ont été écrites à la même période, ces trois œuvres n’ont pas grand-chose en commun... sinon d’être redoutablement difficiles à jouer.


La valse Le Beau Danube bleu est ce magnifique chef-d’œuvre connu de tous. L’Orchestre de la Suisse Romande est un ensemble plus habitué à la musique française que viennoise. Les cordes manquent un peu de nuance, restant un peu mezzo forte uniforme et s’effaçant devant des bois un peu présents mais l’ensemble est joué avec un plaisir réel qu’il ne faut pas bouder.


La Symphonie espagnole de Lalo est une pièce célébrée par de nombreux virtuoses. Elle comporte de nombreux passages instrumentalement d’une grande difficulté mais qui ne doivent pas faire oublier le charme et l’élégance profonde de cette œuvre. Renaud Capuçon, dont le répertoire est immense, se devait de servir cette pièce. Il a bien évidemment les moyens techniques que demande l’œuvre mais il est particulièrement convaincant dans les passages méditatifs. Si le Scherzando souffre de quelques décalages entre bois et soliste, l’intermezzo, sommet de la soirée, est très lyrique et les graves du violon ont beaucoup d’intensité tandis que l'Andante fait ressortir la qualité du vibrato du violoniste français.


Renaud Capuçon donne en bis la Danse des ombres heureuses de Gluck en hommage à Jérôme Capeille, hautboïste solo de l’orchestre disparu il y a mois après une bataille contre le cancer et à qui cette soirée était dédiée ainsi qu’à Jesús Lopez Cobos, qui devait diriger l’OSR plus tard dans la saison.


C’est un autre Strauss qui est joué en seconde partie. La consultation des archives de l’OSR nous indique que ce serait la première fois que cet ensemble joue Ainsi parla Zarathoustra. Le célébrissime introduction est pleine de mystère et permet à nouveau d’entendre le très bel orgue de Victoria Hall. Sir Mark Elder, qui avait déjà dirigé l’orchestre dans un programme Berg et Mahler, maintient une longue ligne dans l’épisode qui suit et fait trouver aux cordes présentes en grand nombre de belles couleurs, avec une mention pour l’alto solo d’Elçim Ozdemir. Les cuivres sont un peu fatigués et en particulier le pupitre des cors n’est pas dans son meilleur jour. Après le fameux point d’orgue évoqué plus haut, la tension est rompue même si le solo de Bogdan Zvoristeanu est plein de lumière. Les musiciens semblent un peu fatigués et les bois, qui sont un des points forts de cette orchestre, ont vers la fin quelques imprécisions que l’on ne leur connaissait pas.


Voici en fin de compte une soirée un peu frustrante qui montre qu’hélas, il n’est pas facile de faire venir le nouveau public au classique même si cela est tout à fait indispensable.



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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