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Un Domino noir à marquer d’une pierre blanche

Liège
Opéra
02/23/2018 -  et 25*, 27 février, 1er, 3 mars 2018
Daniel-François-Esprit Auber: Le Domino noir
Anne-Catherine Gillet (Angèle), Cyrille Dubois (Horace), Antoinette Dennefeld (Brigitte), François Rougier (Juliano), Marie Lenormand (Jacinthe), Laurent Kubla (Gil Perez), Sylvia Bergé (Ursule), Laurent Montel (Lord Elfort), Benoît Delvaux (Melchior), Tatiana Mamonov (La tourière)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Pierre Iodice (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Patrick Davin (direction)
Christian Hecq, Valérie Lesort (mise en scène), Laurent Peduzzi (décors), Vanessa Sannino (costumes), Christian Pinaud (lumières)


(© Lorraine Wauters/Opéra royal de Wallonie)


Après Carmen, la copieuse saison de l’Opéra royal de Wallonie se poursuit avec Le Domino noir (1837), opéra-comique couronné de succès au XIXe siècle, mais jugé désuet par beaucoup et relégué injustement au fin fond du répertoire aujourd’hui. Cette coproduction avec l’Opéra-Comique, qui montera à son tour l’ouvrage d’Auber du 26 mars au 5 avril, surpasse nettement en qualité les spectacles habituellement représentés sur la scène liégeoise. Il s’agit, pourtant, d’une première expérience lyrique pour Christian Hecq, sociétaire de la Comédie-Française, et Valérie Lesort, qui signent une mise en scène du niveau d’un Laurent Pelly, à la fois drôle et gracieuse, riche de trouvailles et réglée de main de maître. Ils exploitent habilement et sans vulgarité les différentes palettes d’émotions de cet opéra racontant la tentative d’Horace de retrouver la belle Angèle, aperçue lors d’un bal et promise au couvent. Hecq et Lesort placent toutefois au second plan le mystère au profit de l’humour et des effets visuels, sans que cela ne porte préjudice à l’esprit de cet archétype de l’opéra-comique. Le résultat, particulièrement réjouissant, atteste de la clairvoyance et du très grand savoir-faire de ce duo.


Une fois de plus, dans ce théâtre, les décors, un par acte et aussi beaux les uns que les autres, sont admirablement réalisés par les ateliers, tandis que Vanessa Sannino a imaginé de formidables costumes, pleins de fantaisie. La scénographie se distingue aussi par l’utilisation amusante des marionnettes et du trompe-l’œil ; dans cet univers loufoque, les gargouilles s’animent et les caryatides descendent de leur piédestal. Christian Hecq et Valérie Lesort rendent ainsi tout son sel et sa fraîcheur à ce plaisant ouvrage, pour notre plus grand plaisir, et leur direction d’acteurs se révèle de haut vol, tant tout paraît en place et limpide, cohérent et lisible. Espérons que leur collaboration avec l’Opéra royal de Wallonie se poursuive et que le couple continue sur cette nouvelle voie avec autant de judicieuses idées et de bons sens.


Le Domino noir : de la porcelaine à ne pas mettre entre toutes les mains. On se régale heureusement avec une distribution parfaite et totalement francophone, un bienfait inestimable dans ce répertoire. L’Opéra royal de Wallonie ne commet pas la même erreur que dans Manon Lescaut, du même Auber, qui avait souffert, il y a deux ans, de la diction déficiente des chanteurs. Présence rayonnante, charme à revendre et voix délicieusement acidulée, Anne-Catherine Gillet incarne une séduisante Angèle. La soprano fait preuve de fraîcheur et de naturel dans n’importe quelle tenue, le titre se référant, à ce propos, au costume de carnaval en noir et blanc qu’elle porte au bal masqué dans le premier acte. Cyrille Dubois se distingue également en Horace, par la clarté du timbre et la rigueur stylistique, la tenue du phrasé ne laissant rien à désirer.


Marie Lenormand accomplit un mémorable numéro de comédie en Jacinthe, femme de ménage artificiellement grossie, sans sacrifier la prestation vocale, d’excellent niveau. Le rôle de Brigitte révèle la belle personnalité artistique d’Antoinette Dennefeld, aussi convaincante sur le plan théâtral que séduisante vocalement, qualités à porter aussi à l’actif de François Rougier, qui montre de solides capacités en Juliano, admirablement caractérisé. Saluons aussi la prestation de Laurent Kubla, méconnaissable en Gil Pérez, qui évoque par son allure et sa défroque Mime dans quelque mise en scène contemporaine. La distribution comporte aussi d’excellents comédiens, Sylvia Bergé, sociétaire de la Comédie-Française, pleine de morgue en Ursule, et Laurent Montel qui endosse le rôle d’un Anglais, Lord Elfort, avec un accent délicieusement caricatural.


Rigoureuse mais trop placide, l’Ouverture laisse d’abord craindre une prestation d’orchestre tout juste correcte, mais il s’échauffe heureusement au fur et à mesure et brille davantage par la suite sous la direction compétente de Patrick Davin, attentif aux équilibres et à la cohésion. Les musiciens excellent dans les crescendi, rigoureusement mis en place, et maintiennent des tempi assez enlevés. Traitant cet ouvrage avec les égards qu’il mérite, le chef dirigera l’Orchestre philharmonique de Radio France lors de la reprise à l’Opéra-Comique. Peut-être obtiendra-t-il une sonorité encore plus légère et un jeu collectif plus noble et pétillant avec la formation parisienne. En tout cas, les choristes sont irréprochables : attentifs à la prononciation, ils contribuent également à la grande réussite de ce projet.


Nous n’étions plus sortis comblés de l’Opéra royal de Wallonie depuis longtemps. Il faut remonter au couplage du Secret de Suzanne avec La Voix humaine, voire à L’Echelle de soie, à l’affiche coup sur coup en janvier et en mars 2016, pour retrouver une production aussi accomplie, bien que cet admirable spectacle paraisse, avec le recul, plus inventif encore.



Sébastien Foucart

 

 

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