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Thierry Escaich, classique du XXIe siècle

Paris
Maison de la radio
02/11/2018 -  
Thierry Escaich : Concerto n° 2 pour orgue, cordes et percussion – La Piste des chants (création)
Henri Dutilleux : Mystère de l’instant
Laurent Cuniot : L’Ange double (création)

Olivier Doise (hautbois), Thierry Escaich (orgue)
Maîtrise de Radio France, Sofi Jeannin (direction), Orchestre philharmonique de Radio France, Mikko Franck (direction)


T. Escaich (© Sébastien Erome)


On se souvient que Mikko Franck avait dirigé avec dilection La Nuit étoilée du même Henri Dutilleux (1916-2013) lors du concert d’ouverture du festival Présences 2016. Place maintenant au plus secret Mystère de l’instant (1989), dont l’instrumentation dénote une oreille hors du commun: vingt-quatre cordes, cymbalum et percussion s’y livrent à des jeux de timbres d’un raffinement extrême. La direction favorise la fluidité des enchaînements et la transparence des textures. C’est de nouveau la métaphore picturale qui en traduit le mieux l’impression: celle d’une aquarelle aux contours fondants et aux couleurs pastel. Particulièrement investies émotionnellement, avec un dosage optimal du vibrato, les cordes du Philharmonique de Radio France possèdent les clés donnant accès à ce «mystère» musical et spirituel.


Déclinée en modes de jeu (sons multiphoniques), oppositions d’énergie, conflits (soliste/ensemble), «dialogue de l’ombre double» (soliste/clarinette), la dualité est au cœur de L’Ange double de Laurent Cuniot (né en 1957), donné en création mondiale. Le hautboïste et dédicataire Olivier Doise s’acquitte de sa tâche avec maestria, plus soucieux d’exprimer avec intensité que de déployer en effets de bravoure une partie soliste pourtant omniprésente. L’ensemble élargi qui l’entoure est régi par une orchestration fondue, sur laquelle mousse l’écume d’événements punctiformes (harpe, percussion).


La Barque solaire (2008), donnée deux jours plus tôt, marquerait-elle une évolution significative? Toujours est-il que le Deuxième Concerto pour orgue, orchestre à cordes et percussion, créé deux ans plus tôt, est en deçà des attentes. Certes, on ne saurait concevoir une seule composition de Thierry Escaich privée de la puissante musculature intérieure que lui assure une constante métrique, épaulée par un irrépressible sens du mouvement, mais l’œuvre accuse une progression et une forme trop prévisibles; aussi encourt-elle le reproche – entendu à ce moment-ci du festival – de ne pas les diversifier suffisamment.


La Piste des chants (commande de Radio France) offre à Escaich l’opportunité de renouveler la forme en l’indexant sur les cinq poèmes qui composent cette pièce pour chœur d’enfants et petit orchestre. «Chacun des textes [chantés en espagnol] nous parle à sa manière de la fusion qu’il faut retrouver entre l’homme et la nature», nous dit le compositeur qui n’a jamais paru aussi proche de Jean-Louis Florentz (dont le Prélude de L’Enfant noir fut interprété le matin même par l’organiste Thomas Ospital). Le ton incantatoire, la rythmique implacable, les signaux d’appel nous plongent dans quelque cérémonie ancestrale d’Amérique latine. A la fois précise et exaltée, la direction de Mikko Franck ne laisse rien au hasard, inspirée par une Maîtrise de Radio France en état de grâce. Ainsi défendue, La Piste des chants se situe au-delà du simple tribut à la musique de circonstance.


La coutume à Présences veut que les festivités soient closes par un grand classique. Indépendamment des raisons logistiques qui ont pu motiver ce choix, le fait de commencer le programme par Dutilleux et de le refermer par Escaich traduit bien le statut de «classique» que revêt aussitôt une création de ce dernier, l’encre à peine sèche.


Une perception à l’image de la programmation de cette édition 2018 qui, pour être sans doute moins aventureuse que celle des années passées, et en attendant l’édition 2019 consacrée à Wolfgang Rihm, nous a brossé le portrait rayonnant d’un compositeur dans la pleine maîtrise de son art.



Jérémie Bigorie

 

 

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