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Permanence du concerto grosso

Paris
Maison de la radio
02/09/2018 -  
Thierry Escaich : Psalmos – La Barque solaire
Jean-Frédéric Neuburger : Concerto pour piano et orchestre (création)
Olivier Messiaen : Chronochromie

Jean-Frédéric Neuburger (piano), Thierry Eschaich (orgue)
Orchestre philharmonique de Radio France, Jonathan Stockhammer (direction)


J.-F. Neuburger (© Carole Bellaiche)


La création mondiale qui manquait au concert d’ouverture, celui du vendredi nous l’offre avec le Concerto pour piano de Jean-Frédéric Neuburger (né en 1986), à la vérité moins concerto que symphonie concertante (dans l’esprit de la Quatrième Symphonie de Karol Szymanowski) tant la partie soliste vise plus à s’intégrer à la masse qu’à rivaliser avec elle. La récurrence de certains éléments (litanie aux cordes divisées, registre extrême aigu) et modes de jeu (piano éjaculant ses nuages de sons d’une fébrilité constante, séquence ad libitum) n’empêche pas les doublures qui tranchent dans une matière singulièrement mouvante et discontinue. Aussi l’auditeur a-t-il tendance à se concentrer (se perdre?) sur les détails aux dépens de la vision globale. On se persuade que Jean-Frédéric Neuburger a écrit une partition sur mesure pour ses doigts agiles, la mobilité mercurielle des figures attestant un commerce assidu avec l’instrument.


La référence au concerto grosso baroque transparaît d’une manière encore plus évidente dans Psalmos (2016), en création française. Au concertino officient tour à tour toccata cuivrée, rafale des claviers, trio de cordes solistes ou chant grave des cordes, le ripieno mettant à contribution un grand orchestre symphonique dont Escaich tire remarquablement parti avec sa virtuosité coutumière (accents stravinskiens, ostinatos d’une vigueur irrépressible), fort de l’expérience du Concerto pour orchestre écrit quelques mois plus tôt (2015) à l’occasion de l’inauguration de la Philharmonie de Paris. On y décelait la présence d’un choral, tendance qui, dans Psalmos, a force de loi puisque pas moins de trois chorals – luthériens cette-fois ci – y font une apparition plus ou moins remarquée selon l’orchestration. La métaphore du «vitrail tournant» employée par le compositeur sied parfaitement au ressenti de l’auditeur; d’autant que l’Orchestre philharmonique de Radio France conduit par le dynamique Jonathan Stockhammer lui insuffle lumière et brillance sans lesquelles le vitrail resterait lettre morte.


Avec La Barque solaire (2008), qui fait suite au Premier (1995) et Deuxième Concertos pour orgue (2006), une étape supplémentaire dans l’écriture si périlleuse associant l’orchestre au «pape des instruments» (Berlioz) est franchie. Dans son pertinent texte de présentation, Claire Delamarche, après avoir rappelé ce qui rapproche l’art de Thierry Escaich de celui d’Olivier Messiaen (modalité, sens du rythme, primat de l’harmonie sur la mélodie), oppose «l’espérance» du second au «doute» du premier. Mais si le compositeur de La Barque solaire ne se veut pas l’exégète du catholicisme, il a en revanche une foi éperdue en son métier d’artisan; malgré les assauts du doute et de l’angoisse, c’est bien une certaine forme d’optimisme qui ressort de ce poème symphonique d’un seul tenant dont l’accélération finale, d’une virtuosité folle, parachève la maestria orchestrale.


Chronochromie (1960) n’est pas l’œuvre d’Olivier Messiaen (1908-1992) la plus facile d’accès, tant s’en faut. Aussi éprouvait-on quelques craintes compte tenu de la lourdeur du programme, l’orchestre ayant davantage sous les doigts d’autres «classiques français du XXe siècle». Mais la mise en place au cordeau de Jonathan Stockhammer les balaye aussitôt. Les timbres de ce kaléidoscope s’imbriquent à la perfection, ajourés par des silences qui, comme chez Bruckner, balisent la forme (structurée en «strophes» et «antistrophes») mais sont aussi gorgés de significations. Tout juste regretta-t-on des dynamiques souvent excessives eu égard aux forces en présence et au manque de plénitude de l’acoustique de l’Auditorium. Les pupitres du Philhar’ ont réalisé une performance de haut vol: il faut citer la vélocité des vents, l’alchimie scintillante des claviers, et l’illusion d’improvisation collective de l’Epôde (pour cordes en dix-huit parties réelles), séquence mémorable qui ne fut pas étrangère au scandale suscité par la création à Donaueschingen sous la baguette de Hans Rosbaud.



Jérémie Bigorie

 

 

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