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Jaillissement spontané

Vienna
Konzerthaus
02/01/2018 -  et 9 février 2018 (Lyon)
Serge Rachmaninov: Trio élégiaque n° 1
Dimitri Chostakovitch: Trio avec piano n° 2, opus 67
Piotr Ilyitch Tchaïkovski: Trio avec piano, opus 50

Itamar Golan (piano), Janine Jansen (violon), Mischa Maisky (violoncelle)


M. Maisky (© Hideki Shiozawa)


La bande à Maisky réapparait au Konzerthaus, histoire de célébrer le soixante-dixième anniversaire d’un violoncelliste sur lequel le temps semble ne pas laisser d’empreinte. Toujours la même dégaine, la même garde-robe, et son style expressément passionné. Un Maisky par ailleurs relativement discret, lui qu’on a accusé à l’occasion de jouer trop fort, face à des interprètes qui n’hésitent pas non plus à pousser le potentiomètre interprétatif. Chacun son style d’ailleurs: Mischa Maisky dont l’archet suit l’inspiration du moment, sans préméditation aucune; Janine Jansen, au timbre de velours, qui maintient constamment un sentiment d’élégance; Itamar Golan, qui tient tout ce monde à la force du poignet, jouant le contrepoids stabilisateur du trio. Les paillettes des vêtements étincellent, les crinières s’agitent dangereusement au-dessus des archets, au point que l’on s’inquiète de l’éventualité d’un accident qui impliquerait cheveux, cordes et archet.


Avec ces trois tempéraments bien trempés, encore faut-il dénicher une partition pour y écluser leurs passions: bien que les unissons soient absolument impeccables, prouvant la capacité d’écoute de chacun des interprètes, le Premier Trio de Rachmaninov semble exploser en mille morceaux musicaux, comme si cette œuvre de jeunesse se trouvait submergée par tant de magnificence. Le Chostakovitch, tout d’abord percutant et glaçant, puis traversé par un Allegro engagé à une allure infernale, prend au contraire vie sous les tensions antinomiques développées par les trois artistes. Le thème populaire juif en particulier, joué avec une pulsation délibérément contenue dans laquelle viennent encore s’immiscer des rubatos diaboliques, déconstruit méthodiquement la partition et intensifie les répétitions jusqu’à la caricature.


Mais c’est dans Tchaïkovski que cette approche excelle tout particulièrement: un tempo allant et malléable du premier mouvement laisse chacun des caractères s’opposer tout en se complétant, les timbres s’épanouissant avec plénitude au sein des phrasés. Chacune des variations du second mouvement offre un nouvel élément de surprise – aboutissant sur le Lugubre, hypnotique final, qui crée la sensation de dilater petit à petit l’espace-temps.


Il ne fallait certainement pas chercher à contempler une belle architecture musicale ce soir, mais plutôt à vibrer avec cette juxtaposition de moments d’émotion desquels la musique semblait jaillir spontanément.



Dimitri Finker

 

 

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