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Devenir un vrai petit garçon

Bruxelles
La Monnaie
09/05/2017 -  et 7, 8, 10*, 12, 13, 15, 16 septembre 2017
Philippe Boesmans: Pinocchio
Stéphane Degout (Le directeur de la troupe, Premier escroc, Deuxième meurtrier, Le directeur de cirque), Vincent Le Texier (Le père, Troisième meurtrier, Le maitre d’école), Chloé Briot (Le pantin), Yann Beuron (Deuxième escroc, Le directeur de cabaret, Le juge, Premier meurtrier, Le marchand d’ânes), Julie Boulianne (La chanteuse de cabaret, Le mauvais élève), Marie-Eve Munger (La fée)
Fabrizio Cassol, Philippe Thuriot, Tcha Limberger (musique de de scène), Orchestre symphonique de la Monnaie, Patrick Davin (direction)
Joël Pommerat (mise en scène), Eric Soyer (décors, lumières), Isabelle Deffin (costumes), Renaud Rubiano (vidéo)


(© Hofmann/La Monnaie)


La rénovation enfin achevée, la Monnaie rouvre ses portes avec Pinocchio, le nouvel opéra de Philippe Boesmans (né en 1936), créé au festival d’Aix-en-Provence cet été. L’extérieur, le hall et les couloirs, laissés tels quels, déçoivent, au premier abord, après deux ans de fermeture. Il faudrait, d’ailleurs, sérieusement rafraîchir la façade, ce qui ne devrait pas empêcher l’exploitation. La salle conserve donc son aspect, mais elle comporte de nouveaux fauteuils, de même modèle que les anciens. En revanche, et là réside l’essentiel, le plateau a été entièrement reconstruit et porté à la pointe de la technologie, de quoi, en principe, être tranquille quelques dizaines d’années.


Les spectateurs retrouvent rapidement leurs marques, comme dans la musique de Boesmans : libre et inventive, addictive et habilement conçue pour le théâtre, personnelle et, de ce fait, immédiatement reconnaissable, comme celle de Janácek, Poulenc et Messiaen, elle nous semble si familière que nous avons l’impression de l’avoir toujours connue ; le plaisir reste intact. Le compositeur collabore une nouvelle fois avec Joël Pommerat, qui ne met en scène que ses propres textes. Après Au monde, le tandem a choisi Pinocchio, une adaptation contemporaine, à la fois sombre et grinçante, du roman de Collodi. Plus accessible que celui du précédent opéra, le livret n’en demeure pas moins porteur de sens. Le texte respecte la dimension initiatique de l’histoire de ce pantin en bois qui devient «un vrai petit garçon» après avoir pris conscience de l’importance de l’éducation et de la vérité.


Se déroulant sans interruption, contrairement à Aix-en-Provence, le spectacle repose sur une découpe en séquences fluides et parfaitement accordées : un splendide moment de musique mais aussi un formidable moment de théâtre, grâce à une direction d’acteur d’une précision redoutable. Epurée, mais non simplifiée, plongée dans une obscurité parfois pesante, la scénographie présente nettement plus d’intérêt que celle d’Au monde, l’utilisation de la vidéo ne semblant pas de trop. Elle suggère plus qu’elle ne montre, ce qui peut dérouter les très jeunes spectateurs, mais le nez s’allonge bel et bien lorsque la fée punit la marionnette à cause de ses mensonges.


Parvenant encore à nous surprendre, comme lorsque le père découpe son pantin dans un tronc d’arbre, Boesmans accomplit une fois de plus des merveilles avec un orchestre de seulement dix-neuf musiciens. Le compositeur reste fidèle à son langage subtil et singulier, et s’amuse avec la musique du passé – la partition revisite ironiquement « Connais-tu le pays » de Mignon, à «chanter comme un ténor d’opéra». La présence sur la scène d’un saxophoniste, d’un accordéoniste et d’un violoniste tzigane rappelle, aussi, le fameux contraste esthétique dans le troisième acte de Wintermärchen (1999), qui laisse, dix-huit ans plus tard, un souvenir indélébile. Pinocchio rejoint les autres opéras du compositeur, qui forment un ensemble riche et captivant, assurément de tout premier ordre, et finalement cohérent par les thèmes qu’ils les parcourent. Comme Mozart et Da Ponte ou Strauss et Hofmannsthal, Boesmans a trouvé en Pommerat le librettiste qui lui fallait, suite à la disparition de Bondy.


Sur le nouveau plateau évolue la même distribution qu’à Aix-en-Provence, parfaitement rodée et de toute beauté. Comme dans L’Enfant et les Sortilèges, des chanteurs incarnent plusieurs personnages gravitant autour du pantin, brillamment interprété par Chloé Briot, qui incarne d’ailleurs souvent l’Enfant dans le chef-d’œuvre de Ravel. L’admirable prestation de Stéphane Degout atteste de ses capacités vocales et de la beauté de sa voix et prouve son immense talent d’acteur. Vincent Le Texier, impeccable, endosse avec aisance des rôles aussi contrastés que le père et le maître d’école, tout comme Yann Beuron compose admirablement ses personnages ; une prouesse, tout de même, que passer sans peine d’un marchand d’ânes à un directeur de cabaret, d’un juge à un escroc.


Marie-Eve Munger n’interprète que la Fée, mais le rôle se révèle par ses prouesses vocales presqu’aussi exigeant que la Reine de la nuit. Aussi convaincante en chanteuse de cabaret qu’en mauvais élève, Julie Boulianne crée l’illusion et complète adroitement le plateau. Patrick Davin dirige cette musique en grand connaisseur, à la tête d’instrumentistes de haut vol et rompus aux exigences de cette musique nécessitant, tout à la fois, de la force, de la finesse et de la précision. Excellente nouvelle : la Monnaie fournit de nouveau la biographie des artistes, alors qu’elle l’avait supprimée de ses programmes voici deux ans.


Le site de la Monnaie



Sébastien Foucart

 

 

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