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Schiff pédagogue

Verbier
Eglise
07/25/2017 -  
Johann Sebastian Bach: Capriccio sopra la lontananza del suo fratello dilettissimo, BWV 992 – Clavierübung: Quatre Duos, BWV 802 à 805
Béla Bartók: Mikrokosmos, Livre VI, Sz. 107: Six Danses sur des rythmes bulgares – Sonate, Sz. 80
Leos Janácek: V mlhách
Robert Schumann: Fantaisie en ut majeur, opus 17

András Schiff (piano)


A. Schiff (© Nicolas Brodard)


András Schiff a été longtemps le grand absent du festival de Verbier. Mais depuis 2015, il y est programmé régulièrement et apparemment à sa grande satisfaction. A l’ouverture du festival, il lui a été reproché de jouer dans la vaste salle des Combins le Premier Concerto de Brahms sur un Bechstein du début du siècle dernier assez peu audible. Pour son récital dans l’intimité de l’église de Verbier, il arrive sur scène micro à la main et lance: «J’espère que vous m’entendez ce soir!» avec un humour pince-sans-rire qui sera le ton d’un long préambule pédagogique à ce long concert au programme assez singulier. Un peu dans l’esprit des «Young Poeple’s Concerts», sans le charisme de Leonard Bernstein mais avec grande distinction et dans un anglais plus que parfait, un petit discours musicologique d’une grande clarté illustré d’exemples au piano et ponctué de quelques incises politico-culturelles pointues et pertinentes. Alors Sir ou Maître András Schiff? Peu importe!


Le pianiste d’origine hongroise en conflit ouvert avec son pays d’origine, naturalisé autrichien, puis britannique, anobli par la reine d’Angleterre en 2014, est un véritable européen qui a su nous convaincre de la nécessité de protéger sa culture mais aussi de la partager en vue d’enrichissements mutuels. Ainsi est conçue la première partie de ce programme qui fait enchaîner des œuvres pédagogiques de Bach et Bartók sans interruption au point que l’on arrive à une quasi-fusion de ces deux cultures, Bach composant pour l’éducation musicale de sa nombreuse descendance, Bartók voyageant pour enrichir ses Mikrokosmos, méthode éducative aujourd’hui base indispensable pour tout apprenti pianiste, magnétophone et carnet de notes en main à la recherche des racines du folklore magyar dans les villages de son pays. La clarté du jeu de Schiff, son incroyable sens du rythme et du détail ont fait de cette démonstration hautement pédagogique un grand moment de musique pure.


Mais András Schiff avait en réserve pour la seconde partie de quoi étonner encore plus son auditoire. Avec un talent inné de conteur, il a rapporté comment dans sa jeunesse le musicologue et pianiste Charles Rosen lui avait indiqué que devait exister à la bibliothèque de Budapest un manuscrit de la main de Schumann de sa Fantaisie en ut majeur comportant une fin différente de l’édition officielle et reprenant la fin du premier mouvement, elle-même une transformation d’un des lieder d’A la bien aimée lointaine de Beethoven, à qui cette Fantaisie se réfère tout autant qu’elle est un monument à son amour pour Clara. Et de lui demander d’en faire si possible une photocopie, tâche peu aisée dans la Hongrie communiste où «il était déjà souvent impossible d’avoir accès à une bibliothèque». Néanmoins Schiff s’est procuré cette partition pour s’apercevoir qu’effectivement cette fin différente était biffée par le compositeur – d’où dilemme, et bien que Charles Rosen l’ait toujours jouée et enregistrée, nombre de musicologues se sont élevés contre l’exécution de cette fin. S’excusant auprès du public, des musicologues et de Schumann, le pianiste a tenu à nous faire découvrir cette fin différente, ce qui pourrait paraître anecdotique si son interprétation passionnée, suprêmement menée de cette pièce à la construction si périlleuse n’avait pas été une des plus belles que nous ayons entendues.


Précédée de Dans les brumes de Janácek joué avec une impressionnante science des plans sonores, cette Fantaisie de Schumann restera comme un des grands souvenirs pianistiques et musicaux de cette édition.



Olivier Brunel

 

 

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