|
Back
Une réussite avant tout musicale Montpellier
Opéra-Comédie
07/24/2017 - et 13 (Bruxelles), 15 (Metz), 18 (Versailles) octobre 2017
«Un opéra imaginaire»: extraits d’œuvres de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (Titon et l’Aurore, Le Carnaval du Parnasse), Toussaint Bertin de la Douée (Le Jugement de Pâris), Jean-Philippe Rameau (Les Fêtes d’Hébé, Hippolyte et Aricie, Dardanus, Les Fêtes de Polymnie, Le Temple de la Gloire), André Campra (Achille et Déidamie, Les Muses, Le Carnaval de Venise), Antoine Dauvergne (Les Amours de Tempé, Hercule mourant, Enée et Lavinie), François Colin de Blamont (Les Fêtes grecques et romaines), François Francœur (Scanderberg, Pyrame et Thisbé), Marin Marais (Sémélé, Alcyone), Jean-Marie Leclair (Scylla et Glaucus), Marc-Antoine Charpentier (Médée), Jean-Baptiste Stuck (Méléagre), Jean-Féry Rebel (Les Eléments), André Cardinal Destouches (Callirhoé), Michel Pignolet de Montéclair (Jephté), Charles-Hubert Gervais (Hypermnestre), Pancrace Royer (Le Pouvoir de l’Amour) et Jean-Baptiste Lully (Armide)
Karine Deshayes (La Reine Magicienne), Katherine Watson (La Princesse), Reinoud van Mechelen (Le Prince)
Le Concert Spirituel, Hervé Niquet (direction)
Anthony Rubier (conception vidéo)
Le Concert Spirituel (© Satochi Aoyagi)
Le Concert Spirituel célèbre cette année son trentième anniversaire. L’ensemble fondé par Hervé Niquet joue à deux reprises durant la trente-deuxième édition du Festival de Radio France Occitanie Montpellier, qui se déroule jusqu’au 28 juillet. Après le concert inaugural, le 10 juillet, à Pibrac, consacré à des œuvres d’Orazio Benovolo, il se produit ce lundi à l’Opéra-Comédie, avec le concours du Centre de musique baroque de Versailles (CMBV).
Le projet présente un véritable intérêt. Hervé Niquet et Benoît Dratwicki, directeur artistique du CMBV, se sont rappelé que Louis XIV avait pensé à une comédie et à un ballet constitués de ses pages préférées, idée que le souverain n’a vraisemblablement pas pu concrétiser. Ils ont décidé de concevoir sur le même principe un opéra imaginaire, une véritable création, dotée d’un argument reproduit dans le programme, et composée d’une succession bien pensée d’extraits d’œuvres d’une petite vingtaine de compositeurs français des XVIIe et XVIIIe siècles. Certains sont connus, d’autres beaucoup moins, comme Toussaint Bertin de la Douée (1680-1743), François Colin de Blamont (1690-1760), François Franœeur (1690-1760) ou encore Jean-Baptiste Stuck (1680-1755).
Le caractère inédit de certaines pages, glissées entre d’autres provenant d’œuvres plus illustres, constitue un des principaux attraits de cette production qui reflète le répertoire de prédilection de la formation. Il s’agit d’un agencement particulièrement habile, et pas un simple best of, car l’écoute en continu procure l’impression d’une œuvre logiquement agencée et de qualité égale et élevée, ce qui prouve l’inspiration de ces compositeurs méconnus. Cette création rassemble donc bien les ingrédients du genre – héros, princesse, rivale – et se plie aux canons du théâtre lyrique baroque – ballet, tonnerre et tempête.
(© Luc Jennepin)
Un bémol, toutefois : il aurait fallu ajouter des récitatifs, pourquoi pas rédigés par Hervé Niquet, lui d’habitude si inventif, pour renforcer l’authenticité de cet opéra imaginaire et améliorer la progression dramatique. Car sur ce point, la dimension théâtrale du projet déçoit. A défaut d’un jeu de scène un tant soit peu vivant, le public doit en fin de compte se contenter d’une traditionnelle version de concert, complétée par une projection vidéo. Celle-ci apporte peu, malgré la charge de travail considérable que cela a dû probablement représenter pour Anthony Rubier, qui a conçu des images de synthèse à la longue lassantes et pas toujours raccordées avec le drame de manière évidente. Celles-ci représentent essentiellement des palais imaginaires, dont les éléments se détachent et se lèvent au ciel, dans une logique malaisée à cerner. L’esthétique rappelle le genre de l’heroic fantasy, le concepteur s’inspirant de ces jeux vidéo sophistiqués. L’expérience méritait d’être tentée, mais confronter les disciplines ne porte pas toujours ses fruits.
En revanche, l’exécution musicale répond largement aux attentes, bien qu’il manque une basse dans la distribution, pour apporter plus de couleurs et de contrastes. Karine Deshayes, mezzo-soprano au phrasé caressant et au souffle long, compense une diction floue par une voix charnue et un timbre splendide. Katherine Watson prononce mieux le français et affiche une proximité stylistique plus marquée avec ce répertoire, mais le timbre séduit un peu moins; fine et agile, la voix accuse, par moments, quelques duretés, mais elle ne déplaît pas et se mêle harmonieusement à celles de ses partenaires. En revanche, Reinoud van Mechelen se montre parfait : ce ténor de grande classe ménage au mieux l’expression des affects et nous ensorcelle par la pure beauté de la voix, modérément puissante mais délicate ; l’articulation se révèle exemplaire, le phrasé d’une tenue parfaite.
Hervé Niquet dirige fidèle à lui-même, de façon franche et énergique, sans affectation, et avec une conviction communicative. Le chef adopte des tempi rapides et a tendance à resserrer la dynamique, ce qui rend l’exécution palpitante. Le Concert Spirituel affiche une vivacité et tenue d’ensemble admirables, et dispense une belle sonorité d’ensemble. En outre, les interventions des bois se signalent à chaque reprise par leur justesse. Unis et véhéments, les choristes, quant à eux, ne se montrent pas moins enthousiastes. Dans le festival qu’il dirige, à Saint-Riquier, au début du mois de juillet, Hervé Niquet apporte aux artistes, pour les remercier, des fleurs improbables provenant du jardin de l’abbaye. A son tour de recevoir de Jean-Pierre Rousseau une composition florale portant le chiffre 30.
Le site du Concert Spirituel
Sébastien Foucart
|
