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Le sacre d’Ermonela Jaho

Madrid
Teatro Real
06/27/2017 -  et 28, 30 juin, 1er, 3, 4, 6, 7, 9, 12, 13, 15, 16, 19*, 20, 21 juillet 2017
Giacomo Puccini: Madama Butterfly
Ermonela Jaho*/Hui He (Cio-Cio-San), Jorge de León*/Andrea Caré/Vincenzo Costanzo (Pinkerton), Enkelejda Shkosa*/Gemma Coma-Alabert (Suzuki), Vladimir Soyanov*/Angel Odena/Luis Cansino (Sharpless), Francisco Vas (Goro), Marifé Nogales (Kate Pinkerton), Tomeu Bibiloni (Yamadori), Fernando Radó*/Scott Wilde (L’oncle bonze)
Coro Titular del Teatro Real (Coro Intermezzo), Andrés Máspero (chef de chœur), Orquesta Titular del Teatro Real (Orquesta Sinfónica de Madrid), Marco Armiliato (direction musicale)
Mario Gas (mise en scène), Ezio Frigerio (décors), Franca Squarciapino (costumes), Vinicio Cheli (lumières)


E. Jaho (© Javier del Real/Teatro Real)


Très belle idée que celle du metteur en scène, Mario Gas: on filme Butterfly, et ce à l’époque du cinéma muet – pourquoi pas? Ils chantent, ils jouent en direct pour nous, ils filment et on voit ce qu’ils filment, mais la «technique» est celle du cinéma des années vingt, tout comme les costumes et l’apparence de l’équipe technique et artistique, la manière de jouer et de tourner: sur les surtitres, l’image d’un film en noir et blanc, un ovale, une ellipse comme cadre, le parfum particulier des belles choses anciennes, qui correspond à ce qu’on voit et à ce qu’on entend sur la scène. Un clin d’œil, une mise en abyme, un peu «le théâtre dans le théâtre», mais avec le cinéma, ou plutôt un Verfremdungseffekt où le metteur en scène essaye de modifier quelque peu l’icône trop bien connue de Butterfly en restant fidèle à l’histoire et aux symboles des costumes et décors, et où la direction d’acteurs (d’actrices, surtout) essaye de s’éloigner un peu d’un excès de pathos. On peut questionner ce choix, et cela a été fait ici ou là: si l’on remet en question l’émotion de Madame Butterfly... qu’en reste-t-il? Le décor du grand Ezio Frigerio écrase parfois, les tours et les retours aidant, la force des scènes «dures» où l’attention n’est pas figée par la tradition qui s’attache à cet opéra (l’apparition ici toute (trop) commune de l’héroïne; ou, vers la fin, toute l’émotion suggérée dès le moment de l’apparition de Mrs. Pinkerton, l’affrontement jamais résolu de deux femmes). A l’acte II, on voit Cio-Cio-San en costume occidental, et elle nous chante «Un bel dì vedremo» en costume gris à la mode des Années folles. C’est normal, d’ailleurs: elle veut être américaine; elle croit qu’elle est américaine, et Mario Gas a eu l’habileté de demander à la vieille icône sa véritable raison d’être... pour l’habiller en conséquence. Rappelons que cette mise en scène a été déjà vue au Teatro Real en 2002 et 2007: c’est un «classique de la maison».


Madame Butterfly, on le sait bien, est un opéra pour un soprano, pour elle toute seule (presque). Et la soprano albanaise Ermonela Jaho a obtenu le plus grand succès de cette production grâce à la beauté de sa couleur, à la puissance de l’émission (tout à fait juste pour le personnage), au jeu de ses nuances, à son équilibre entre belcanto et vérisme, à la construction du personnage même, à la beauté tendue des «moments qu’on attend», tout spécialement, bien sûr, son air du deuxième acte, «Un bel dì», applaudi avec enthousiasme par le public jour après jour (d’après ce que nous avons vu et ce qui nous a été rapporté) – de même, paraît-il, pour la soprano chinoise Hui He, en tête de la seconde distribution. Mais il faut ici constater le sacre de Mme Jaho dans un théâtre où elle n’était pas inconnue. Désormais, tout va changer; d’ailleurs, n’est ce pas l’année Butterfly pour Ermonela Jaho, dans plusieurs productions internationales, comme à Orange et à Washington?


Elle était entourée d’une distribution de haut niveau: l’humanité sans excès de puissance du consul Sharpless de Vladimir Soyanov, la tension tourmentée de Suzuki dans la voix de la mezzo albanaise (elle aussi) Enkelejda Shkosa, l’interprétation bouffe d’un Goro un peu trop grimaçant par Francisco Vas (la direction d’acteurs?) et, enfin mais avec une mention artistique spéciale, la voix puissante, énergique, belle du Canarien Jorge de León pour Pinkerton.


Il semble que les voix et la fosse fonctionnaient mieux dans les ensembles (le duo des fleurs, le trio, voire le duo d’amour), mais Marco Armiliato a fait de son mieux et nous a donné une Butterfly aux belles couleurs, avec des moments dramatiques assez rares, comme en accord avec les exigences de la mise de Mario Gas.


Production choisie cette année pour être vue sur les places et dans les cinémas de toute l’Espagne, cette reprise de Madame Butterfly a été un grand succès pour la mise en scène, l’orchestre et les voix: belle façon d’attirer le public vers le théâtre lyrique.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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