About us / Contact

The Classical Music Network

Vienna

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Flûte mystérieuse et envoûtante

Vienna
Konzerthaus
05/31/2017 -  et 1er* juin 2017

31 mai
Johann Sebastian Bach : Partita pour flûte seule, BWV 1013 – Le Clavier bien tempéré (Livre Premier): Prélude et Fugue n° 8, BWV 853
Franz Schubert : Introduction et Variations sur «Trockne Blumen», D. 802
Pierre Boulez : Sonatine pour flûte et piano
Serge Prokofiev : Sonate pour flûte et piano, opus 94




1er juin
Pierre Boulez : Figures-Doubles-Prismes – Mémoriale (... explosante-fixe ... Originel)
Jacques Ibert : Concerto pour flûte
Matthias Pintscher : Osiris
Claude Debussy : La Mer

Emmanuel Pahud (flûte), Denis Kozhukhin (piano)
Radio-Symphonieorchester Wien, Baldur Brönnimann (direction)


E. Pahud (© Josef Fischnaller/EMI Classics)


Courte escale viennoise dans l’agenda surchargé d’Emmanuel Pahud, nous offrant deux concerts extrêmement variés où planait l’ombre de Pierre Boulez. Le récital, dans la petite salle du Konzerthaus, permettait tout d’abord de l’entendre en compagnie du pianiste russe Denis Kozhukhin: la rencontre est à notre connaissance fort récente, et elle fonctionne déjà de manière magnifique. C’est apparent dès les premières pièces solos de Bach, jouées à tour de rôle, et révélant une communion évidente de vision: chacun embrasse avec intensité les ressorts de l’interprétation sur instrument moderne, privilégiant des tempos plutôt paisibles et timbrant avec ferveur, mais sans surcharge, les phrasés. Les variations de Schubert nous ramènent à l’un des tout premiers enregistrements du flûtiste (réalisé en 1994). L’évolution dramatique est notable: si le disque est infiniment plaisant, les variations prennent désormais une tournure organique et inéluctable les portant au niveau de celles du Quatuor «La Jeune Fille et la Mort». La seconde partie du récital nous propulse dans le XXe siècle avec deux œuvres quasiment contemporaines l’une de l’autre, toutefois profondément dissemblables. La Sonatine de Boulez (1946) est une œuvre fortement rythmique, aux évolutions rapides: elle est dominée, malgré sa difficulté, de la tête et des épaules par les interprètes. Cette sensation de sérénité est renouvelée dans la Sonate de Prokofiev (1943): l’œuvre semble s’ajuster comme par miracle à la respiration du flûtiste. Quant à Denis Kozhukhin, il prouve une fois encore (ainsi que précédemment chroniqué ici et ) sa compréhension intime du langage de Prokofiev: pas un phrasé qui ne soit dessiné avec une minutie exaltante. Emmanuel Pahud aurait-il trouvé un nouveau partenaire de choix?


Une grande partie du public est de retour le soir suivant, la grande salle du Konzerthaus demeurant cependant bien peu remplie. Les trois œuvres du XXe siècle, couvrant plus de la moitié du programme, auront sûrement découragé le mélomane frileux. La pièce Figures-Doubles-Prismes, assez rarement jouée de nos jours, déclenche même un début de scandale, une partie du public huant avec obstination – l’autre résistant à grand renfort d’applaudissements. Il faut avouer que la lecture de Baldur Brönnimann ne convainc qu’à moitié, les variations de textures et couleurs semblant un peu terne dans cette œuvre jouant sur la spatialisation des vents, dispersés autour des pupitres de cordes. La pièce chambriste qui suit, Mémoriale (... explosante-fixe... Originel) voit reparaître Emmanuel Pahud et enthousiasme plus nettement, notamment par les transferts de timbres réalisés avec dextérité. Le Concerto de Jacques Ibert marque certainement le point culminant de ce second concert: il y a un plaisir tactile et quasiment charnel à écouter Pahud virevolter avec agilité, évoquant parfois l’impression de vertige véhiculée par un violoniste virtuose enchaînant octaves doigtées ou tapant avec le gras de la phalange la touche de son instrument. Sa ductilité de timbre nous fait oublier le métal qui compose l’instrument moderne, et nous rappelle la mesure de richesse et de mystère que peut receler le timbre de la flûte lorsqu’elle est jouée de cette manière. Matthias Pintscher aurait dû initialement diriger le concert: contraint d’annuler, on le retrouve néanmoins à travers Osiris. Le compositeur allemand est à la fois lié à Boulez (créateur de l’œuvre en 2008) ainsi qu’à Pahud, le dédicataire de son concerto pour flûte. La Mer de Debussy est également un clin d’œil discret à Boulez, les esquisses symphoniques ayant figuré au programme du concert de création de Doubles. Brönnimann marque les rythmiques et dynamiques avec une certaine brutalité, ne parvenant pas tout à fait à compenser de manière satisfaisante le manque de couleur orchestrale. Cette Mer semble en fin de compte bien terre-à-terre.



Dimitri Finker

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com