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La force de l’évidence

Lille
Opéra
05/19/2017 -  et 21*, 23 (Lille), 31 mai, 2 (Luxembourg), 13, 15 (Caen), 23, 25 juin (Versailles) 2017
Antonio Vivaldi: Arsilda, Regina di Ponto, RV 700
Lucile Richardot (Lisea), Olivia Vermeulen (Arsilda), Kangmin Justin Kim (Barzane), Fernando Guimarães (Tamese), Lisandro Abadie (Cisardo), Lenka Máciková (Mirinda), Helena Hozová (Nicandro)
Collegium Vocale 1704, Collegium 1704, Václav Luks (direction)
David Radok (mise en scène), Ivan Theimer (scénographie), Zuzana Jezková (costumes), Premysl Janda (lumières), Andrea Miltnerová (chorégraphie)


(© Petra Hasjka)


Presque coup sur coup, deux opéras de Vivaldi ont été représentés à Tourcoing et à Lille, Orlando furioso à l’Atelier lyrique en avril et Arsilda (1716) dans la cité voisine le mois suivant. Il vaut mieux éviter de comparer ces deux productions, par honnêteté vis-à-vis de l’institution tourquennoise, qui n’évolue tout simplement pas dans la même division. Les moyens diffèrent, et cela se ressent en admirant ce superbe spectacle à l’Opéra de Lille, qui le coproduit avec le Théâtre national de Bratislava, le Théâtre de Caen, le Théâtre de la Ville de Luxembourg et l’Opéra royal de Versailles.


Cette production possède une qualité rare, la force de l’évidence, grâce à une conjonction parfaite entre l’aboutissement de la mise en scène et l’excellence des prestations, tant des chanteurs que de l’orchestre. David Radok exploite avec beaucoup de justesse et de pertinence une intrigue compliquée comme il en existe tant : une histoire d’amour contrariée impliquant une reine, deux rois, une femme présumée morte, un prince et une princesse, et que le travestissement rend encore plus complexe. Subtile et personnelle, sa mise en scène s’appuie sur une direction d’acteur soutenue et précise, ce qui confère un vif relief aux personnages qui s’engouffrent et se perdent dans ce jeu de mensonge et de faux-semblant. Les récitatifs s’animent ainsi avec théâtralité, sans que rien ne pèse.


Malgré l’impression laissée dans un premier temps par les costumes d’époque, l’approche se révèle moderne. Ce spectacle empli d’amertume glisse progressivement vers une actualisation plus marquée dès que les personnages abandonnent leurs habits pour une tenue contemporaine lors de noces sans joie. D’une grande beauté, la scénographie séduit, elle aussi, par sa légèreté et ses superbes lumières. Dans cette espèce de chambre obscure, des fenêtres et des portes s’entrouvrent de temps à autre sur des peintures d’esthétique naturiste, comme pour symboliser la mise à nu, au sens figuré, de ces hommes et femmes tourmentés.


Tous crédibles et transportés par leur sens du collectif, les chanteurs conjuguent parfaitement maîtrise vocale et tempérament théâtral. La distribution ne comporte aucun maillon faible, même si l’un ou l’autre timbre séduit moins que d’autres. Chacun vocalise avec précision, phrase avec raffinement, échange avec le plus parfait naturel, le tout avec une grande rigueur stylistique. Certains sèment même le trouble : l’interprète de Lisea, Lucile Richardot, parcourt une très large tessiture qui lui permet de jouer sur les registres féminin et masculin avec une aisance confondante. Tout aussi épatant et désarçonnant, Kangmin Justin Kim, qui incarne Barzane, chante plutôt comme une soprano, alors qu’il s’agit d’un contre-ténor, selon le programme. Fernando Guimarães, distribué en Tamese, impose une voix plus astringente et exécute moins souplement les vocalises que ses confrères, qui hissent, pour sa défense, la barre très haut ; la manière est bien celle d’un chanteur rompu à ce répertoire. Le reste du plateau nous comble également : Arsilda ardente et tourmentée d’Olivia Vermeulen, que l’intrigue relègue un peu sur le côté en seconde partie, et Mirinda capiteuse de Lenka Máciková, qui met en valeur un timbre voluptueux.


Voluptueux, également, le Collegium 1704, qui affiche un niveau constamment élevé sous la direction amoureuse et dynamique de Václav Luks. Capable de suavité et de coups d’éclat, cette formation d’un enthousiasme communicatif rappelle le savoir-faire des Tchèques dans le répertoire baroque. Confié entre des mains médiocres, cet opéra méconnu et tirant un peu en longueur mettrait probablement la patience à rude épreuve. Porté par cette fine équipe, il révèle ses beautés et son potentiel. Rien que pour ce motif, cette production mérite d’être immortalisée en DVD.



Sébastien Foucart

 

 

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