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Contraction et décontraction

Normandie
Deauville (Salle Elie de Brignac)
04/30/2017 -  
Alban Berg : Kammerkonzert
Antonín Dvorák : Quatre pièces romantiques, opus 75, B. 150 – Sérénade pour dix instruments à vent, violoncelle et contrebasse, opus 44, B. 77

Renaud Capuçon (violon), Nicholas Angelich (piano)
Bruno Philippe (violoncelle), Simon Guidicelli (contrebasse), Ensemble Ouranos, Pierre Dumoussaud (direction)


(© Stéphane Guy)


On avait pu avoir l’impression que la programmation du festival de Pâques de Deauville évitait soigneusement les compositeurs dodécaphonistes. C’était à tort. Le dernier concert du festival de cette année s’ouvrait en effet par le Concerto de chambre (1925) d’Alban Berg (1885-1935). La partition, d’une très grande difficulté technique, d’une richesse inépuisable et d’un abord peu aisé, est évidemment un régal pour les musicologues : elle est bourrée, comme souvent chez Berg, de codes abscons jouant notamment avec la notation alphabétique des notes en référence à Arnold et Mathilde Schönberg, Webern et Berg lui-même. Mais on nous épargne cette fois heureusement les explications d’un scoliaste. La musique s’écoute quand même plus qu’elle se lit et on ne se sent, à vrai dire, guère concernés par les hommages cryptés auxquels procède Berg.


Pour interpréter ces pages, très rares au concert, Yves Petit de Voize, le toujours inspiré directeur artistique du festival, a fait appel à des interprètes d’exception, de renommée internationale ; aux fondateurs du festival il y a plus de vingt ans, qui acceptent de revenir sur le terrain de leurs débuts : Nicholas Angelich et Renaud Capuçon. Le premier est principalement sollicité dans le premier mouvement, le second dans le deuxième, les deux animant le troisième. Le toucher de Nicholas Angelich est toujours aussi précis et puissant, par exemple dans le Rondo final, lorsqu’il faut laisser résonner le piano, notamment lors des derniers accords qui ne laissent qu’un petit espace à la voix fluette du violon. Sa virtuosité reste assez confondante. Renaud Capuçon livre quant à lui un discours effusif, lyrique, annonciateur du Concerto à la mémoire d’un Ange. Sa rondeur, son aisance et son intensité lumineuse font passer l’aridité apparente de ces pages, la pédale généreuse du pianiste allant dans le même sens. Mais on ne saurait oublier la part essentielle jouée par l’Ensemble Ouranos et Pierre Dumoussaud à la direction, absolument exceptionnels. On entend par exemple rarement de tels cors. Il faut encore remercier Yves Petit de Voize d’être parvenu à monter une telle œuvre et avec de tels artistes sachant surmonter ses innombrables difficultés et présentant une telle cohérence. Lors de son propos initial, il avait d’ailleurs indiqué que le projet lui tenait à cœur depuis longtemps, Pierre Boulez ayant été approché à cette fin ; en vain.


La suite du concert demeurait sur les mêmes hauteurs interprétatives mais sur des sommets fort différents. Nicholas Angelich et Renaud Capuçon jouent en effet en bis l’Allegretto grazioso final de la Deuxième Sonate pour piano et violon de Johannes Brahms. On y retrouve le sens de l’architecture du pianiste, plutôt en retrait au demeurant, et le charme du violoniste. Le morceau rassurait ainsi immédiatement et constituait en quelque sorte une introduction aux pièces d’Antonín Dvorák (1841-1904) constituant la seconde partie du concert et qu’Yves Petit de Voize, à l’issue de ses remerciements, obligés pour un dernier concert, avait présentées comme « ramenant à la vie »...


Les Quatre pièces romantiques (1887), aussi faciles que vides, permettent d’apprécier le legato somptueux de Renaud Capuçon avant de retrouver une partie de l’Ensemble Ouranos, Victor Julien-Laferrière – dix ans de festival cette année – au violoncelle et Simon Guidicelli à la contrebasse pour la Sérénade (1878) du compositeur tchèque. La prestation est d’autant plus remarquable que l’ensemble n’est dirigé par personne. C’est le simple plaisir de jouer qui guide les artistes et cela s’entend. On termine finalement le festival de la façon la plus souriante possible grâce à ces thèmes populaires parfaitement enlevés et relevant parfois de l’harmonie municipale, la farandole finale n’étant pas exempte d’une certaine ironie. Le public, au milieu duquel avait pris place Nicholas Angelich après une accolade remarquée avec le maire de la ville, est évidemment ravi. Les musiciens ne se font pas prier pour rejouer le dernier mouvement, encore plus rapidement mais sans déraper pour autant.


Si le festival de Pâques s’achève de façon aussi superbe, pas de panique : se pointe à l’horizon de la mer deauvillaise le seizième Août musical, du 29 juillet au 12 août prochains. Sa programmation, de Bach à Thomas Adès devrait encore satisfaire un large public, la soirée du 9 août consacrée à la musique sud-américaine devant d’ores et déjà être marquée d’une pierre blanche.



Stéphane Guy

 

 

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