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To the “Many” Few

Geneva
Victoria Hall
03/29/2017 -  et 30 mars 2017 (Lausanne)
Arnold Schoenberg: Pelleas und Melisande, opus 5
Franz Schubert: Messe en mi bémol, D. 950

Carolina Ullrich (soprano), Carmen Seibel (mezzo-Soprano), Maximilian Schmitt, Bernard Richter (ténors), Alastair Miles (basse)
Ensemble Vocal de Lausanne, Orchestre de la Suisse Romande, Jonathan Nott (direction)


B. Richter (© Kiran West)


Le Pelléas et Mélisande de Schoenberg n’a pas été joué à Genève depuis 1994 et la Messe en mi bémol de Schubert depuis 1992. Ces deux pièces sont des chefs-d’œuvre mais aucune ne fait pas partie des pièces populaires des deux compositeurs viennois. Sans être fondamentalement difficiles d’accès, elles demandent surtout au public (et aux musiciens) de faire preuve de concentration et sont exigeantes à jouer ou chanter, mais elles récompensent quiconque les écoute avec soin.


De tous les programmes que Jonathan Nott dirige sur cette première (demi-)saison en tant que directeur musical, cette soirée est probablement la plus importante. Elle nous rappelle que ce qu’apporte un directeur musical ne se limite pas à se seule présence sur le podium durant une bonne partie de la saison. C’est lui qui doit aussi travailler au renouvellement des musiciens de l’orchestre et également établir une stratégie artistique. Ces éléments ont été bien absents durant la période des cinq dernières années. Après avoir annoncé une volonté d’explorer des compositeurs nordiques peu joués, Neeme Järvi, malgré son réel talent et un vaste répertoire, a dirigé des programmes bien routiniers et sans vraie personnalité. A Genève, où l’Orchestre se partage entre l’opéra et le symphonique, faut-il vraiment jouer une énième Pathétique ou l’intégrale des Concertos pour piano de Rachmaninov ? En programmant ces œuvres de Schoenberg et Schubert, Jonathan Nott donne un signal fort de vouloir renouveler le répertoire et de prendre plus de risques artistiques.


En orchestrant son Pelléas avec une telle abondance de musiciens, Schoenberg n’a pas choisi la facilité. Les parties aux bois sont souvent triplées. Cuivres et percussions ne sont pas en reste. Comme pour les Gurrelieder, le compositeur autrichien multiplie les explosions sonores soudaines et les recherches instrumentales. Son intensité et la part donnée au cor anglais ainsi ne sont pas sans évoquer un Tristan... sans solistes et d’une durée de seulement une cinquantaine de minutes.


Devant un tel monstre symphonique, il faut souligner l’apport de Jonathan Nott. Le travail instrumental est réel. Les tutti sont forts et assez pleins et comme c’était le cas pour la Première Symphonie de Mahler. Les fortissimos sont construits en dépit de la difficulté acoustique de Victoria Hall. Les cordes retrouvent plus de couleurs que la semaine précédente dans Brahms (et le chef sait quand demander à une seule partie des premiers violons de jouer lorsque Schoenberg demande un ppp exigeant). Les solos de la première alto Elcim Ozdemir sont de toute beauté. Les bois sont de grande qualité et permettent d’apprécier cor anglais et clarinettes basses. Les cuivres apportent leurs contributions sans trop couvrir le reste de l’orchestre. Mais surtout, le chef anglais cherche à caractériser les moments de ce poème symphonique. Sous sa direction, on devine la jalousie, l’angoisse, la tendresse... Nott nous rappelle que derrière l’incroyable difficulté de cette pièce exigeante est là pour servir l’expression et la musique.


C’est une musique plus calme et un ensemble plus réduit mais complémenté par l’Ensemble Vocal de Lausanne et cinq solistes que nous retrouvons en seconde partie. Ecrite la dernière année de sa vie, la Messe en mi bémol reste une rareté au concert même si elle a été servie par tant de grands chefs. Il n’y a ni la violence ni la hardiesse de l’œuvre de Schoenberg mais Schubert étonne dans sa vigueur rythmique, par sa capacité à varier les tonalités et surtout par la ferveur religieuse de cette Messe. Comme pour la lecture de la Cinquième Symphonie, Jonathan Nott ne cherche pas inspiration des pratiques des musiciens baroques. Il privilégie les équilibres et une certaine continuité de la ligne. Il établit une pulsation régulière et montre ce que cette messe doit aux œuvres chorales d’un Bach ou d’un Mozart. Son chœur est un peu inégal. Placé en fond de la scène, il est parfois couvert par l’orchestre et les sopranos sont parfois à la peine dans le registre aigu. Les solistes sont solides, avec une mention pour la beauté du timbre et la qualité du phrasé de Bernard Richter dans le Et incarnatus.


Le public nombreux s’est montré attentif durant cette soirée et a chaleureusement applaudi les musiciens. A l’OSR et son directeur musical de voir maintenant s’ils peuvent et veulent bien continuer à explorer des sentiers nouveaux. Il y a en particulier des Schoenberg plus difficiles. Espérons que ces premières explorations trouvent une large audience et ne soient pas, pour paraphraser Stendhal, que pour les « Happy few ».



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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