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Un plateau vocal proche de l’idéal

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/26/2017 -  et 12, 15, 18, 22, 30 mars, 2 avril, 28, 31 juillet (Munich, version scénique)
Umberto Giordano : Andrea Chénier
Jonas Kaufmann (Andrea Chénier), Anja Harteros (Maddalena de Coigny), Luca Salsi (Carlo Gérard), J’nai Bridges (Bersi), Elena Zilio (Madelon), Doris Soffel (Contessa de Coigny), Andrea Borghini (Roucher), Nathaniel Webster (Pietro Fléville), Christian Rieger (Fouquier-Tinville), Tim Kuypers (Mathieu), Kevin Conners (Un Incredibile), Ulrich Ress (L’abate poeta), Anatoli Sivko (Schmidt, Il maestro di casa), Kristof Klorek (Dumas)
Chor der Bayerischen Staatsoper, Stellario Fagone (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, Omer Meir Wellber (direction musicale)


J. Kaufmann (© Julian Hargreaves/Sony Classical)


Ambiance électrique hier soir au Théâtre des Champs-Elysées, à la mesure de l’attente créée par l’un des concerts lyriques parisiens les plus courus de la saison: Andrea Chénier et son trio vocal de rêve mené par la star Jonas Kaufmann. Dans une chaleur suffocante, la salle archicomble bruisse des nombreux commentaires d’avant-concert où l’on s’étonne, par exemple, d’assister à une version de concert à Paris quand Munich, avec un même plateau vocal, a droit à la mise en scène de Philipp Stölz jusqu’en juillet prochain. Pour autant, la surprise vient de la mise en espace proposée, simple et efficace, où les chanteurs se prêtent à un jeu interprétatif sans partition devant eux. Sans qu’il soit possible de déceler les libertés prises avec la scène munichoise, ce choix aide grandement à rendre plus crédible l’action, évitant par ailleurs l’effet visuel fastidieux d’une brochette de chanteurs tous alignés devant leur pupitre. Ici, les interprètes vont et viennent au gré de leurs interventions, retournant en coulisse une fois leur prestation achevée: vu le nombre considérable de rôles différents en présence dans cet opéra, c’est là un atout non négligeable.


On touche précisément à l’une des grandes réussites de cette production avec le soin apporté aux moindres seconds rôles, tous distribués idéalement. Les amateurs découvrant l’ouvrage de Giordano pourront en effet être surpris qu’un opéra aussi bref (environ deux heures) enchaîne autant de scènes courtes, brossant à travers ses quatre actes des tableaux de caractère très différents dans l’espace et le temps. En dehors du trio principal qui sert la continuité dramatique de l’histoire, c’est là l’occasion de découvrir une palette de personnages truculents dont on pourra noter, ici, une interprétation généreusement extravertie pour les chanteurs parfaitement italophones. On pense par exemple à l’impayable Comtesse de Doris Soffel dont le timbre dur renforce plus encore la vigueur de son tempérament cassant, mais aussi à la ravissante J’nai Bridges, Bersi impressionnante de rondeur. A ses côtés, Elena Zilio reçoit une ovation en fin de représentation pour son incarnation sensible de Madelon, tandis que Tim Kuypers (Mathieu) et Anatoli Sivko (Schmidt et le majordome) se distinguent par leur articulation et leur projection idéales.


Entendu voilà deux ans dans La traviata parisienne réglée par Benoît Jacquot, Luca Salsi s’impose comme une des grandes satisfactions de la soirée. Sa puissance et sa diction précise lui permettent de passer de la morgue initiale aux remords humanistes avec une sincérité désarmante, sous les vivats mérités d’un public conquis. On pourra pester suite au duo trop court du troisième acte avec Madeleine de Coigny – contrairement à ce que fera Puccini quatre plus tard dans Tosca – mais ce reproche s’adresse évidemment au bon faiseur Giordano. Tout aussi applaudie, Anja Harteros compose une vibrante Maddalena de Coigny, aux aigus rayonnants et impériale de souplesse dans la ligne. Comme à l’habitude, c’est en plein chant que Harteros se montre à son meilleur, en comparaison des parlando du premier acte plus en retrait – un détail à un tel niveau interprétatif. On pourra aussi remarquer quelques infimes faiblesses chez Jonas Kaufmann dans le rôle-titre, à l’émission un rien prudente en début d’opéra ou au timbre moins pur qu’à l’habitude par endroits. Son art interprétatif laisse cependant toujours aussi pantois, servi par une émission de velours, une variété de couleurs et de nuances, partout acclamées. Seul son duo conclusif avec Harteros laisse entrevoir une puissance moindre, peu aidée il est vrai par les élans dantesques du chef Omer Meir Wellber (né en 1981).


A rebours de ses débuts parisiens en 2011, le chef israélien laisse en effet éclater tout son tempérament fougueux au bénéfice d’un geste expressif et enthousiaste. Pour autant, on se lasse vite de cette optique fortissimo qui couvre trop souvent les chanteurs pour imposer une vision uniforme en technicolor. Péché de jeunesse, Wellber a surtout manifestement omis de s’interroger sur l’acoustique périlleuse du Théâtre des Champs-Elysées, dès lors que l’orchestre se trouve sur la scène en lieu et place de la fosse. On se réjouira en revanche de l’excellence du Chœur de l’Opéra d’Etat bavarois, admirable de précision et de cohésion dans chacune de ses interventions.



Florent Coudeyrat

 

 

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