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Schéhérazade au piano

Baden-Baden
Festspielhaus
02/26/2017 -  
Maurice Ravel : Valses nobles et sentimentales
Francis Poulenc : Trois Novelettes – Improvisations n° 1 et n° 15 – Toccata
Nikolai Rimsky-Korsakov : Schéhérazade, opus 35 (arrangement Paul Gilson, d’après la version pour piano à quatre mains du compositeur)

Simon Trpceski (piano)


S. Trpceski


Le pianiste d’origine macédonienne Simon Trpceski, au vu de son profil de carrière actuel, mériterait sans doute d’être accueilli à Baden-Baden par la grande porte, et non pas un dimanche matin à 11 heures, créneau d’habitude réservé par le Festspielhaus aux jeunes formations de chambre à découvrir. Quelques centaines de personnes à peine se sont déplacées, affluence désolante au vu de la jauge énorme de la salle, et c’est grand dommage. D’autant plus qu’en l’occurrence les absents ont eu bien tort.


A 37 ans maintenant, Trpceski n’a rien perdu de sa dégaine de virtuose imperturbable, capable de tous les exploits sans transpirer. Une sorte de James Bond dont on ne sait jamais trop quel nouveau tour d’acrobate il va nous sortir du piano, en gardant toujours la même impassibilité. Passée la première des Valses nobles et sentimentales de Ravel, prise à un train d’enfer et un peu crispée dans ses appuis, le discours reprend très vite sa stabilité, avec un large éventail de nuances et un beau sens de la mise en scène, atmosphère de bal dont les effluves musicales s’effilochent progressivement, au fur et à mesure que l’on s’approche du petit matin. Esprit schubertien et clarté française, extrême minutie du toucher : un piano d’une exceptionnelle richesse.


Même adéquation stylistique dans une suite de pièces brèves de Poulenc, de la part d’un pianiste qui manifestement sait écouter les autres et assimiler tous les codes de styles musicaux étrangers à sa propre culture. Aucun alanguissement, un sens très sûr du discours preste et sans gras, et en même temps beaucoup de charme mélodique et un toucher varié, moins intrinsèquement sec que celui d’un Poulenc lui-même au piano. Le compromis trouvé par exemple dans la Deuxième Novelette est vraiment idéal. Et la virtuosité de la Toccata ne laisse entrevoir aucune défaillance.


Des doigts d’un acier bien trempé, il en faut certainement pour oser jouer en concert l’adaptation pour un seul pianiste de la Schéhérazade de Rimski-Korsakov. Cette partition, œuvre du compositeur belge Paul Gilson (1865-1942), est une heureuse trouvaille (on peut la dénicher facilement aujourd’hui sur la toile, ne serait-ce que pour y jeter un coup d’œil). Une réduction drastique de l’original, certes, mais qui réussit à préserver l'essentiel des couleurs instrumentales de ce poème symphonique réputé pour la richesse de son orchestration. Sous réserve que l’instrumentiste se révèle à la hauteur de l’enjeu (et particulièrement en termes de résistance physique), l’effet en concert est garanti. Ici on reste hypnotisé d’un bout à l’autre par le pouvoir d’évocation du pianiste, par sa puissance de frappe mais aussi pas son sens de la narration et du suspense, comme s’il se transformait à vue en conteur des Mille et Une Nuits. Et même après quarante-cinq minutes de balayage du clavier dans tous les sens, les doigts répondent avec toujours le même délié, la même aptitude à la nuance infinitésimale et au crescendo ravageur... Simon Trpceski : même si vous n’arrivez pas à prononcer ce nom, essayez de le retenir.



Laurent Barthel

 

 

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