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En rouge et noir

Vienna
Konzerthaus
01/30/2017 -  et 8 février 2017 (Luxembourg)
Johann Sebastian Bach : Die Kunst der Fuge, BWV 1080: Contrapunctus I, IV, V, XI & XIV
Marko Nikodijevic : tiefenrausch
Felix Mendelssohn-Bartholdy : Quatuor en fa mineur, opus 80

Quatuor Armida: Martin Funda, Johanna Staemmler (violons), Teresa Schwamm (alto), Peter-Philipp Staemmler (violoncelle)


Le Quatuor Armida (© Felix Broede)


Commençons cette chronique par une honteuse confession: j’accumule depuis des années les enregistrements sous des arrangements les plus variés de L’Art de la fugue, collectionne les analyses musicologiques de l’œuvre, en parle avec passion à mon entourage – et pourtant, si j’admire l’œuvre, je ne l’aime pas vraiment. Cette passion effrénée ne cache au fond qu’une tentative pour comprendre un monument qui ne me procure aucun plaisir musical. Rien n’y fait: assis avec les meilleurs intentions du monde pour une nouvelle audition, au bout de quelques minutes mon attention s’évapore et le secret de l’œuvre continue à me rester inaccessible. C’est dire si le Quatuor Armida réussit dans cette première moitié de concert un petit miracle personnel: ces cinq Contrapuctus semblent subitement tout sauf un voyage tranquille et abstrait. Des tempi parfois rapides sont nourris de nuances remplies de vitalité; les rythmes et accentuations n’hésitent pas à renforcer avec emphase les transformations contrapuntiques; les attaques sont franches mais sans dureté, gonflant le son comme le feraient des archets baroques. Chaque mouvement est conçu comme une miniature indépendante, imposant un caractère bien défini à chacun d’entre eux: le Contrepoint XI atteint notamment une intensité beethovénienne. Voici un Bach sensuel, animé de passions, et non point l’animal cérébral qui tend à disparaître derrière ses constructions mathématiques. Quand la musique s’interrompt, on en veut encore.


La pièce du jeune compositeur Marko Nikodijevic (né en 1980), composée l’an dernier, a été créée il y a tout juste quelques mois par le Quatuor Armida. Son titre, tiefenrausch, pourrait se traduire par «ivresse des profondeurs»: une suite de séquences sonores s’enchaîne, exhalant des sensations hallucinatoires sur un fond de tranquillité. On survole ainsi en moins de dix minutes la quasi-totalité de l’éventail technique des instruments à cordes (pizzicato Bartók, harmoniques, col legno...) sur des motifs purement harmoniques, puis essentiellement rythmiques, utilisant parfois des motifs répétitifs ou empruntant des thèmes folkloriques. Les interprètes s’engagent avec beaucoup d’intensité et de sérieux dans l’œuvre, démontrant (dans ce programme, tout comme dans leur discographie) une aisance à traverser les époques musicales: baroque, contemporain, romantique.


Il y a toujours un certain risque pour les interprètes d’un quatuor de Mendelssohn d’y introduire une dose de virtuosité frivole; rien de tel dans une seconde partie fiévreuse et intense, bénéficiant de l’accroche de crins bien caractéristique des archets des musiciens. Il y a clairement déjà une conception du timbre et des phrasés bien spécifiques dans cette jeune formation. Tout n’est pas impeccable: quelques finitions pourraient être encore plus polies, la respiration pourrait être plus ample, et le mouvement lent – point faible de la lecture – souffre d’un manque de ligne pour vraiment soutenir l’attention. Mais la fougue des interprètes est absolument enivrante, et transmet le frisson de la vie à la partition. La petite salle Schubert du Konzerthaus est de plus absolument sensationnelle pour cette musique, procurant une sensation d’immersion sonore sans égale. Un bis de luxe (Adagio et Fugue de Mozart) conclut le concert, dans une fugue hélas trop rapide, mais livrée avec panache.


On suivra avec intérêt l’évolution de cette nouvelle génération de chambristes, qui savent exprimer leur originalité sans forcer le trait – un peu à l’image de leurs tenues de scène, où des accents rouges apportent une touche discrètement excentrique aux costumes classiques.


Le site du Quatuor Armida



Dimitri Finker

 

 

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