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Verdi en voix de légende

Avignon
Opéra
01/20/2017 -  et 22* janvier 2017
Giuseppe Verdi : Nabucco: Ouverture – La traviata: duo Violetta/Germont («Madamigella Valéry»), Prélude du premier acte, air de Germont («Di Provenza il mar») & air de Violetta («E strano... sempre libera») – Luisa Miller: Ouverture – Rigoletto: air de Rigoletto («Pari siamo»), duo Gilda/Rigoletto («Figlia, mio padre... Veglia oh donna», air de Gilda («Gualtier Maldè... Caro nome»), air de Rigoletto («Cortigiani, vil razza») & duo Gilda/Rigoletto («Tutte le feste al tiempo... Si vendetta»
Patrizia Ciofi (soprano), Leo Nucci (baryton)
Orchestre régional Avignon-Provence, Luciano Acocella (direction musicale)


L’Opéra d’Avignon aime les voix, et il le démontre en invitant deux des plus grands solistes d’aujourd’hui pour un concert Verdi: Patrizia Ciofi et Leo Nucci. Loin de verser dans un spicilège destiné à seulement flatter les interprètes, le programme s’appuie sur l’espace d’une génération qui sépare les deux solistes pour élaborer une aussi habile que sensible dramaturgie autour du rapport entre père et fille, un des fils conducteurs de l’ensemble de l’œuvre du compositeur italien et dont deux des ouvrages de ce que l’on appelle communément la «trilogie populaire» offrent l’un des plus remarquables témoignages. Si Rigoletto détaille la jalousie maladive d’un père à l’égard de sa fille – quand bien même un fugitif soupçon sur la paternité biologique s’égare momentanément – qui résume à elle seule sa famille, le rapport entre Germont et Violetta Valéry dans La Traviata esquisse également le chemin d’une tendresse filiale non dénuée d’une discrète ambiguïté. En somme, le récital propose une sorte de condensé des deux ouvrages à partir d’une de leur essentielle et commune moelle dramatique.


Après une Ouverture de Nabucco où Luciano Acocella domestique les couleurs de l’Orchestre régional Avignon-Provence jusqu’à une efficacité construite avec prudence, c’est la rencontre entre Violette et le père Germont qui augure la première partie, consacrée à La Traviata. Incarnant la distinction d’un patriarche qui s’appuie sur une cane d’élégance, Leo Nucci concentre dès son entrée une colère contenue, face au frémissement affectif de Patrizia Ciofi. Un peu contrainte par ce masque d’autorité, l’émission devient velours quand la sincérité de la courtisane touche le patriarche, et leurs lignes se mêlent dans une émouvante fusion de demi-teintes à l’heure de l’acceptation du destin et de la bienséance. Précédé par le Prélude du premier acte, l’air de Germont («Di Provenza il mar») confirme une intensité évidente que relaie la grande scène de Violetta à la fin de l’acte intial («E strano»), où la soprano italienne fait vivre le ressac psychologique de l’héroïne avec une large palette, aussi musicale qu’expressive.


La dynamique de l’Ouverture de Luisa Miller est élucidée avec une appréciable intelligibilité par la baguette italienne, avant d’enchaîner sur le «Pari siamo» de Rigoletto, où Leo Nucci se révèle moins contraint que dans le précédent emploi. La fréquentation assidue du bossu sur les planches s’entend dès les premières notes. Telle un miroir, la noblesse de la ligne renvoie la complexité d’un personnage miné par la possessivité et la blessure narcissique. L’ascendant sur Gilda se mêle à une impuissance devant la soif de liberté de son enfant dans leur grand duo du premier acte, tandis que Patrizia Ciofi déploie dans le «Caro nome» une intelligence et des moyens un peu plus matures que ce que l’on attend généralement dans le rôle. La vindicte de «Cortigiani» n’a pas besoin de brutaliser le legato pour faire palpiter la détresse d’un père, quand le contrepoint entre vengeance et clémence dans la conclusion du deuxième acte, dont la fin sera bissée, se passe de toute scénographie pour faire rayonner sa profonde vérité dramatique. Le grand art n’a pas besoin d’images.



Gilles Charlassier

 

 

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