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Transfiguration

Strasbourg
Palais de la Musique
11/10/2016 -  et 11* novembre 2016
Pēteris Vasks : Dona nobis pacem
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano n° 20 en ré mineur, K. 466
Richard Strauss: Metamorphosen – Tod und Verklärung, opus 24

Claire-Marie Le Guay (piano)
Chœur de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, Catherine Bolzinger (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)


C.-M. Le Guay


Seconde œuvre de Pēteris Vasks au programme du Philharmonique de Strasbourg, dans le cadre d’une résidence annuelle de compositeur qui jusqu’ici s’avère plus douillette que passionnante. Le premier compliment à faire à Dona nobis pacem, quart d’heure de musique chorale rédigé en 1996 suite à une commande de la Radio lettone, est que cette musique ne dérange personne en cas de velléité méditative, et on espère que ce n’est pas en définitive la seule vertu réelle que l’on puisse lui trouver. Restons mesuré : l’écriture vocale, qui frotte un peu, juste ce qu’il faut, évoque parfois la beauté fugace des aurores boréales, et donne au Chœur de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, soigneusement préparé par Catherine Bolzinger, de belles occasion de faire valoir son homogénéité, remarquable pour des amateurs de bonne volonté. Mais avouons que cette frileuse religiosité post-moderne nous laisse désespérément indifférent. Heureux ceux qui croient à la valeur de ce genre de dilution du geste musical dans le recueillement stagnant, loin des bruits du monde. A titre personnel on préfère passer rapidement à des choses plus substantielles.


L’arrivée très sage de Claire-Marie Le Guay, jupe bleue et cheveux blonds tombant sur les épaules, partition posée sur le piano, va-t-elle nous réveiller un peu ? Il y a quand même au programme le Vingtième Concerto de Mozart, le plus énergique et tellurique de tous, et qui ne cède parfois en beauté tourmentée qu’à certains passages du Vingt-quatrième (ce dernier en ut mineur et non mineur : le texte du programme de soirée est inexact sur ce point). A tous égards la pianiste française va nous mener loin dans ce concerto, envisagé avec beaucoup d’allant et de franchise technique : une approche d’école classique, très française aussi mais d’une pertinence indiscutable, et qui dialogue d’égal à égal avec un orchestre lui aussi très net, sans chichis inutiles. Rien que le texte, serait-on tenté de dire, mais à quel superbe niveau ! La petite harmonie de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, même les soirs où les premiers titulaires ne sont pas tous réunis, dispose aujourd’hui de véritables personnalités, susceptibles d’intervenir dans le discours concertant avec une assurance sans faille et qu’il n’y a plus qu’à écouter, avant finalement d’applaudir. Cadence de Beethoven pour le premier mouvement, détaillée par des doigts d’une énergie parfaitement dosée, et en bis, des Oiseaux tristes de Ravel à la fois millimétrés et d’une belle envolée.


Généreuse seconde partie, avec d’abord les Métamorphoses de Richard Strauss. A nouveau une partition qui, comme la Musique pour cordes de Bartók la semaine précédente, bénéficie de l’assurance technique nouvellement conquise des cordes de l’orchestre. Cette fois Charlotte Juillard est de surcroît présente, mais tous les pupitres effectuent avec leurs chefs d’attaque un véritable travail d’écoute mutuelle, pour l’une des exécutions les plus convaincantes qu’il nous ait été donné d’entendre, d’un ouvrage à haute valeur émotionnelle et symbolique, mais qui demeure d’un accès parfois difficile. Là encore Marko Letonja évite tout excès d’épanchements, préfère des trajectoires franches, et le résultat, peu larmoyant mais pas émotionnellement moins intense pour autant, s’impose de lui-même.


Autre musique à implications humanistes larges, en ce soir de 11 novembre, avec Mort et transfiguration de Strauss, que l’on est heureux d’entendre sans orage obligeant à prendre la fuite en plein milieu (la dernière fois que l’orchestre a voulu s’y confronter, c’était très haut dans les Alpes, et la tentative a malheureusement tourné court). De toute façon, une acoustique de salle reste fondamentalement plus favorable à ce type d’ouvrage, et, on a tendance à l’oublier, celle du Palais de la musique de Strasbourg reste l’une des plus belles qui se puissent trouver en France (sous réserve que l’on parvienne un jour à maîtriser le bruit de fond d’une ventilation vieillissante, chaque année plus gênante). Pâte sonore pleinement straussienne, qui permet d’apprécier la versatilité d’un orchestre qui paraissait tout aussi à l’aise dans La Mer de Debussy une semaine plus tôt. Très belle fusion des cuivres, trombones, trompettes, cors, qui équilibrent les tuttti sur des assises remarquablement fermes. L’envolée finale, somptueuse, parfaitement en place jusqu’au très vétilleux dernier accord, nous transporte littéralement dans un ailleurs orchestral de rêve. Où sommes nous donc ? A Vienne, Berlin, Munich ? Non, non, à Strasbourg, et c’est très bien ainsi !



Laurent Barthel

 

 

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