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Raphaël Pichon exalte les splendeurs d’Elias

Paris
Philharmonie
12/05/2016 -  et 3 (Toulouse), 4 (Bordeaux), 10 (Evian) décembre 2016
Felix Mendelssohn : Elias, opus 70
Stéphane Degout (baryton), Julia Kleiter, Judith Fa (sopranos), Anaïk Morel (mezzo), Robin Tritschler (ténor)
Ensemble Pygmalion, Raphaël Pichon (direction)


R. Pichon (© Etienne Gautier)


S’il n’y avait eu le festival de Birmingham, Mendelssohn aurait-il composé Elias ? L’Angleterre, plus que la France, était friande d’oratorio sur le modèle handelien – le Requiem de Dvorák, par exemple, fut plus tard créé à Leeds. La Philharmonie met l’automne à l’heure de ce genre très prisé des romantiques allemands : entre les Scènes de Faust et Le Paradis et la Péri de Schumann dirigés par Daniel Harding, voici Elias, confié à Raphaël Pichon. Celui-ci, en effet, peut un moment délaisser le baroque pour des partitions comme le Requiem allemand de Brahms... ou les Noces stravinskiennes. Et cet opus 70 de Mendelssohn, qu’il a déjà offert au public de La Chaise-Dieu en 2012, le révèle magistral.


On a, pendant un temps, tiré l’oratorio mendelssohnien vers le postromantisme, voire vers le postwagnérisme, avec un excès de poids – cela vaut ne vaut d’ailleurs pas moins pour ses Symphonies. Rien d’étonnant si le jeune chef français s’affranchit de cette tradition. Ce n’est pas seulement parce que son Pygmalion joue sur des instruments d’époque et chante sans vibrato – ou que l’effectif ne peut se comparer à celui, monumental, de la création en 1846. C’est plutôt affaire de geste. Il ne confond pas l’énergie et la brutalité, la précision et la sécheresse : la direction reste généreuse, rebelle à tout statisme, témoignant d’un sens aigu de l’urgence dramatique. Le chef de théâtre est là, narratif, tendu, qui nous fait vivre un drame humain à travers le prophète abattu ou confiant : le refus du monumental ne sacrifie jamais la puissance de la partition. Avec d’autres moyens, porteur d’une autre esthétique, Raphaël Pichon rejoint la réussite de Kurt Masur en 2009 – année du bicentenaire de la naissance de Mendelssohn.


Mais le Français bénéficie d’un Elie d’une tout autre trempe qu’Alastair Miles – qui d’ailleurs remplaçait Ludovic Tézier. On se demande, en effet, si quelqu’un pourrait aujourd’hui égaler le prophète de Stéphane Degout – lui aussi à La Chaise-Dieu en 2012, pour la rondeur veloutée et charnue du timbre, la noblesse de la ligne, la beauté du legato et la force de la caractérisation, qui allie l’autorité – « Ist nicht des Herrn Wort wie ein Feuer » dévastateur, à la vocalise très sûre – et l’humilité – « Herr Gott Abrahams, Isaaks und Israels » au cantabile rêveur – de l’homme de Dieu. Regrettera-t-on la défection de Sabine Devieilhe et de Marianne Crebassa ? La fraîcheur éthérée du timbre et le phrasé radieux de Julia Kleiter suspend le temps dans le « Höre, Israel, höre des Herrn Stimme ! » destiné à Jenny Lind ; Anaïk Morel, mezzo profond homogène et stylé, incarne aussi bien ferveur de l’Ange que les fureurs de la reine Jézabel – et Judith Fa, lumineuse, tient les promesses de son jeune talent. Même si Mendelssohn a un peu laissé le ténor dans l’ombre, Robin Tritschler s’impose aussitôt par la clarté du timbre et la conduite parfaite de la voix – impeccable air d’Obadiah. Pilier de l’œuvre, le chœur est superbe, de précision, d’homogénéité, d’engagement.


Gageons que Raphaël Pichon continuera à explorer les voies de l’oratorio du XIXe.



Didier van Moere

 

 

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