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L’orchestre capital

Paris
Philharmonie
11/18/2016 -  et 17 novembre 2016 (Toulouse)
Hugues Dufourt: Ur-Geräusch
Ludwig van Beethoven: Triple concerto pour piano, violon et violoncelle, opus 56
Johannes Brahms : Symphonie n° 4 en mi mineur, opus 98

Guy Braunstein (violon), István Várdai (violoncelle), Sunwook Kim (piano)
Orchestre national du Capitole de Toulouse, Tugan Sokhiev (direction)


H. Dufourt, T. Sokhiev (© Patrice Nin)


Le désormais régulier week-end «Orchestres en fête» 2016 débutait ce vendredi soir par un concert de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse avec son directeur musical, Tugan Sokhiev. La thématique de cette manifestation étant cette année «Ludwig van», en relation avec l’exposition actuellement consacrée à Beethoven à la Cité de la musique, ces musiciens avaient notamment mis au programme son Triple Concerto, une œuvre assez rare au concert.


Mais cette soirée commençait par la création parisienne d’une pièce d’Hugues Dufourt, Ur-Geräusch, commande du festival Beethoven de Bonn, et hommage à la Symphonie «Héroïque» du maître allemand. La mise en place instrumentale est d’une grande précision grâce à la direction extrêmement claire et de plus, inspirée, de Tugan Sokhiev. Cette musique qui évoque plus Ligeti, Bartók, voire par moments Berlioz, que Beethoven est d’une très belle facture. La pièce dure près de trente minutes, ce que certains reprocheront sans doute au compositeur. Mais cette durée est au service du propos distendu et d’une recherche, que l’on sent centrale dans l’œuvre, qu’elle concerne les glissandi, les percussions (deux caisses claires dialoguant, les mailloches de la timbale jouant de la harpe), les textures et leurs mélanges et le temps. Tugan Sokhiev et l’Orchestre national du Capitole de Toulouse servent avec enthousiasme et talent une œuvre attachante dont le rapport au temps et à l’espace séduit dans l’acoustique spacieuse de la Philharmonie de Paris.


Bonne surprise également que ce Triple Concerto de Beethoven magnifiquement servi par des solistes à l’esprit chambriste et un orchestre vif, élégant et réactif sonnant à la fois transparent et tonique, notamment grâce à des timbales baroques à leur juste place sonore. Tugan Sokhiev fait chanter l’orchestre et allège le propos, façon XVIIIe siècle, ce qui prend naturellement tout son sens. On entend même percer dans le mouvement lent le futur Concerto «L’Empereur» comme l’esprit du Fidelio à venir. Si le jeu précis et raffiné de Guy Braunstein, ancien premier violon de l’Orchestre philharmonique de Berlin, et celui équilibré et transparent, bien que parfois un peu précipité, d’István Várdai, séduisent on avouera avoir été moins sensible à celui du pianiste Sunwook Kim. Le final, plus développé et mené dans un tempo lui rendant justice, est un vrai bonheur. En somme, une lecture moderne, sobre et tellement naturelle qu’elle pourrait réconcilier avec une œuvre souvent malaimée. Tellement bien servie ici, elle en deviendrait presque attachante...


Mais c’est certainement la Quatrième Symphonie de Brahms, chef-d’œuvre oblige, qui fut le moment le plus impressionnant de ce concert. Dès le début du premier mouvement, Tugan Sokhiev installe un climat plein et lumineux qui n’est pas sans rappeler celui que créait le Carlo Maria Giulini des années 1980. Il stimule à chaque instant des cordes, décidément magnifiques, et qui répondent à merveille à ses incitations à jouer jusqu’au fond des temps, à échanger avec l’harmonie et les cuivres et à tendre, tout en l’unifiant, la musique. Il n’y a aucun accroc dans une interprétation orchestralement de très haut niveau et assumée dans ses moindres détails et non sans prise de risque. La flûtiste Sandrine Tilly, notamment dans le final, mais aussi le nouveau hautboïste solo Chi Yuen Cheng, qui capte l’attention à chacune de ses interventions, et le clarinettiste David Minetti se couvrent de gloire. L’Allegro giocoso est une merveille de puissance et de précision et les deux accords finaux sonnent avec une force et une précision qui est la marque des grands ensembles (et des grands chefs!). Le final à la magnifique progression résonne avec une plénitude, une passion et une lumière saisissantes. Un magnifique concert par un orchestre qui peut maintenant sans aucun doute rivaliser avec les meilleures formations européennes. Et quel plaisir d’entendre ces musiciens dans une salle dont l’acoustique met en valeur toutes les qualités. Espérons que la ville de Toulouse offre bientôt à ces musiciens et à leur extraordinaire chef Tugan Sokhiev l’auditorium qu’ils méritent, non seulement du fait de leur niveau, mais aussi du fait de leur engagement dans la vie musicale de Toulouse et de sa région.


A l’issue de cette soirée inaugurale exceptionnelle, on s’étonne de l’absence durant ce week-end de l’Orchestre de Paris, ensemble résident principal de la Philharmonie de Paris, dans une manifestation emblématique de la vitalité des orchestres symphoniques français, même si le Chœur de l’Orchestre de Paris participera à une Neuvième Symphonie avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. On remarquera aussi une nouvelle fois que lorsque le programme musical d’un concert est copieux, comme ce soir, il peut se terminer au delà de 23 heures. Maintenant que le public a trouvé le chemin et ses repères à la Philharmonie de Paris, il est grand temps d’adapter les horaires de début de concert sur ceux pratiqués dans d’autres salles à Paris et dans les principales capitales européennes.



Gilles Lesur

 

 

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