About us / Contact

The Classical Music Network

Strasbourg

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Pas sur les âges de l’amour

Strasbourg
Opéra
11/16/2016 -  et 5, 6, 8 (Mulhouse), 17, 18, 19, 20 novembre (Strasbourg) 2016, 4, 5 mars 2017 (Colmar)
Cupidon s’en fout
Etienne Béchard (chorégraphie, scénographie), Vincenzo Bellini, Georges Brassens, Taylor Deupree & Kenneth Kirschner, Claire Diterzi, Serge Gainsbourg, François-Marie Juskowiak, Aline Potin & Christine Paris, Kronos Quartet, Francis Lai, Mercury Quartet, Powerplant, Nino Rota, Antonio Vivaldi (musiques)
Monica Barbotte, Hamilton Nieh (couple enfant), Sidonie Fossé, Alexandre Van Hoorde (couple adulte), Tetyana Martyanova, Hénoc Waysenson (couple âgé), Ballet de l’Opéra national du Rhin


S. Fossé (© Jean-Luc Tanghe)


Le Ballet de l’Opéra national du Rhin sait renouveler habilement le répertoire et la commande à Etienne Béchard pour l’ouverture de la saison en témoigne remarquablement. Empruntant son titre à une chanson de Brassens qui fera le rideau final, Cupidon s’en fout, la pièce du jeune chorégraphe, condensée en une heure et quart à peine, appartient à celles qui font le pari de faire passer des idées à travers la danse, en l’occurrence ici le jeu des conformismes et de l’amour, au travers de trois âges de la vie – de l’école à l’entreprise, avant la maison de retraite. Le présent spectacle tient la gageure de ne pas verser dans un didactisme auquel devrait se subordonner le plaisir esthétique.


Avec ses nuées d’élèves en tenue académique, le tableau inaugural ne peut manquer de rappeler le Casse-Noisette d’Ivan Cavallari, que la maison alsacienne avait importé au printemps dernier – clin d’œil peut-être en réponse à l’invitation du directeur de la compagnie – auquel succédera à la rentrée prochaine Bruno Bouché. Elément presque unique du décor, les boîtes blanches que portent les écolières sur le dos en guise de cartable, à l’image d’une gestation au fardeau duquel elles apprendraient déjà à s’accoutumer, se muent en pupitres, avant de former un mur: les métamorphoses successives de la scénographie participent de sa fluidité, comme de celle du propos général, soutenue par un éclairage sobre autant qu’évocateur accompagnant la dynamique d’un mouvement narratif déclinant l’empreinte des uniformes – de la culotte courte au costume bleu des cols blancs et enfin, la chemise médicalisée – qui va jusqu’à assourdir les sentiments.


A l’image de la variété d’un support musical juxtaposant des pulsations acoustiques à des motets de Vivaldi où se reconnaît le diaphane de Philippe Jaroussky, en passant par le «Casta diva» de Bellini dans sa gravure par Maria Callas comme dans quelque transposition instrumentale assaisonnée au marimba, l’écriture chorégraphique assume une hétérogénéité organisée du langage corporel sollicitant une évidente polyvalence de la part des interprètes. Cette diversité stylistique se lit dans des ensembles superposant la tradition classique et la comédie musicale, jouant des codes avec une finesse humoristique et parodique à son meilleur dans la première scène, pour la plasticité gestuelle – la macroscopie du chuchotement des élèves qui va jusqu’à bousculer leurs camarades à l’autre bout de la classe l’illustre avec gourmandise –, et dans l’ultime séquence, pour la mosaïque de gags dans l’établissement hospitalier – citons les désopilantes contorsions avec le fauteuil roulant. Imitant, vraisemblablement, le polissage du monde professionnel, le deuxième acte emprunte l’essentiel de son vocabulaire au grand ballet, et cède parfois à une inertie un peu froide.


Si l’on saluera l’engagement virtuose du Ballet de l’Opéra national du Rhin, on retiendra d’abord la complicité du binôme enfant formé par Monica Barbotte et Hamilton Nieh, distillant un sourire teinté d’innocence et faisant de chaque permutation articulatoire un rendez-vous avec le public. La réserve circonstancielle du couple adulte, commandée par la dramaturgie, n’empêche aucunement Sidonie Fossé et Alexandre Van Hoorde de laisser s’épanouir leurs duos romantiques – la chute des lettres se révèle à cet égard une belle réussite. Quant aux vieillards, Tetyana Martyanova et Hénoc Waysenson se glissent dans la dérision généralisée du séjour à mobilité réduite, et explicitent la tendresse mélancolique qui infuse un spectacle attachant, où la subtilité intellectuelle se passe de prétention.



Gilles Charlassier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com