About us / Contact

The Classical Music Network

Madrid

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Norma: oui, mais...

Madrid
Teatro Real
10/20/2016 -  et 21, 23, 24, 26, 28, 29, 30, 31 octobre, 1er*, 2, 4 novembre 2016
Vincenzo Bellini: Norma
Maria Agresta*/Mariella Devia/Angela Meade (Norma), Roberto Aronica/Gregory Kunde*/Stefan Pop (Pollione), Karine Deshayes*/Ketevan Kemoklidze/Veronica Simeoni (Adalgisa), Simón Orfila/Michele Pertusi/Fernando Radó* (Oroveso), Maria Miró (Clotilde), Antonio Lozano (Flavio)
Coro Titular del Teatro Real (Coro Intermezzo), Andrés Máspero (chef de chœur), Orquesta Titular del Teatro Real (Orquesta Sinfónica de Madrid), Roberto Abbado (direction musicale)
Davide Livermore (mise en scène), Giò Forma, Florian Boje (décors), Mariana Fracasso (costumes), Antonio Castro (lumières)


(© Javier del Real/Teatro Real)


Le nouveau Teatro Real ne connaissait Norma qu’en version de concert, comme il en a été rendu compte il y a six ans. Ce joyau du belcanto et du maître divin de la mélodie est enfin arrivé en version scénique.


Mais... C’est bien dommage, le retour de Norma à Madrid n’a pas été un grand succès. Et même plus: quelques critiques sont allés du dédain jusqu’à la cruauté. Il est difficile, on le sait bien, d’interroger les codes que le metteur en scène nous propose, et encore plus de les comprendre quand ils ne répondent qu’avec leurs images et leurs signes. Mais il faut faire un effort. Ah, qu’il est aisé de condamner sans nuances!


Dans la critique, comme Verlaine proposait pour la poésie, il faut fuir «de plus loin la pointe assassine, l’esprit cruel et le rire impur». Autrefois, un Romain qui n’était pas habillé en Romain constituait une hérésie au théâtre. Serait-ce aujourd’hui le contraire? Il est bien dommage que les critiques férus de voix et musique répandent leur ignorance en matière de théâtre d’une façon aussi inopportune qu’impunie.


Livermore nous propose tout simplement un bois animé par les esprits, les démons, la nature. On a parlé de Tolkien: la petite culture des chroniqueurs arrive aussi loin que cela, même aux séries de télévision à la mode. Après tout, l’imaginaire pop a envahi tout naturellement les scènes d’opéra depuis longtemps. Pas toujours à tort. La nature est dans le grand arbre blessé par les foudres, par le temps, et modelé par le bois même, par son épaisseur et sa pérennité. Et le grand tronc devient autel, devient trône du pouvoir sans grand fauteuil pour aucun roi, et il devient aussi, à la fin, le grand bûcher. C’est le mouvement scénique des démons qui nous suggère la possibilité d’une action continue que le développement postérieur ne réussit pas. Le manque d’illusion dramatique, tragique, de la fin, déçoit largement – froideur, voire indifférence: Norma et Pollione en montant les marches vers la mort! Pendant les longs moments où Pollione doit se taire devant Norma ou devant le dramatique dialogue/duo entre elle et Adalgisa, le ténor n’a pas de recours pour y répondre ou rester coi, tout simplement, et nous voyons le formidable Kunde faire des gestes qui ne sont pas à la hauteur d’un grand artiste comme lui.


Cette mise en scène de Livermore – on lui a reproché de ne pas être présent durant les répétitions, ce que je ne peux confirmer ou infirmer – est une approche théâtrale inattaquable, même si ce n’est pas le grand drame rêvé pour ce chef-d’œuvre du belcanto tardif. Même s’il s’agit d’une mise en scène incapable de donner de la chaleur à la froideur qui venait de la fosse de M. Roberto Abbado.


Heureusement, la distribution était d’un niveau suffisant. Maria Agresta, malgré son rhume annoncé, a exercé un pouvoir vocal et théâtral dominant, surtout sur la mezzo. Non seulement dans l’attendu «Casta diva», mais tout au long de la soirée. Le temps a fait évoluer la voix de soprano d’Adalgisa vers une voix de mezzo, pour contraster avec le soprano de Norma. L’Adalgisa originale était, peut-être, un peu soubrette, et il y reste un peu de ce caractère dans le rôle de cette créature douce, innocente, dont les graves ne nuisent pas trop au moment de répondre à Norma et de découvrir qu’elle a été trompée. La mezzo française Karine Deshayes partage la vedette d’une façon éclatante dans son long duo avec le rôle-titre.


Sobre, équilibré, sans exagération, Fernando Radò a construit un Oroveso en sachant que le vrai conflit de l’opéra est ailleurs, et cela est certainement marqué par la direction théâtrale. Comme d’habitude, les haines tribales, les guerres, ne sont que des paysages pour les triangles ou le groupe de quatre. On a hélas reproché à une autre voix des autres distributions de ne pas être assez féroce: pour ce qui me concerne, je m’en félicite. Qu’attend-on? Des bandes dessinées? Il faut remarquer le bon travail vocal de María Miró (Clotilde) et Antonio Lozano (Flavio). Malheureusement, si l’orchestre était à la hauteur professionnelle, sa prestation avec Roberto Abbado ne se situait pas à la hauteur artistique – en l’espèce ce qu’on appelle chaleur, sens tragique, dramatisme – que Norma exige.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com