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Des Noces théâtrales

Amsterdam
De Nationale Opera
09/09/2016 -  et 8, 11, 13, 15*, 18, 21, 23, 27 septembre
Wolfgang Amadeus Mozart : Le nozze di Figaro, K. 492
Stéphane Degout (Il Conte di Almaviva), Eleonora Buratto (La Contessa di Almaviva), Christiane Karg (Susanna), Alex Esposito (Figaro), Marianne Crebassa (Cherubino), Katharine Goeldner (Marcellina), Umberto Chiummo (Bartolo), Krystian Adam (Basilio), Jeroen de Vaal (Don Curzio), Louise Kemény (Barbarina), Matteo Peirone (Antonio), Tomoko Makuuchi, Fang Fang Kong (Due Donne)
Koor van De Nationale Opera, Ching-Lien Wu (chef de chœur), Nederlands Kamerorkest, Ivor Bolton (direction musicale)
David Bösch (mise en scène), Patrick Bannwart (décors), Meentje Nielsen (costumes), Olaf Winter (lumières), Klaus Bertisch (dramaturgie)


E. Buratto, S. Degout (© DNO/Monika Rittershaus)


L’Opéra national néerlandais (DNO) a été nommé «Opera company of the Year» à la fin de sa saison jubilé (50 ans de la compagnie) par l’association International Opera Awards. Son directeur artistique, Pierre Audi, à sa tête depuis 28 ans, y restera jusqu’à juillet 2018, date à laquelle il rejoindra le festival d’Aix-en-Provence, où il a été nommé pour un mandat de cinq ans. Il a ouvert sa saison avec une production des Noces de Figaro de Mozart et da Ponte dans une mise en scène très théâtrale de David Bösch et un décor spectaculaire de Patrick Bannwart.


C’est de ce décor qu’il faut d’abord parler, puisqu’il est à la fois la vedette du spectacle et responsable d’une partie de son échec sur le plan musical. Grand dispositif en cyclorama permettant de passer en un instant d’une pièce du château à l’autre, il est surtout un dispositif à ciel ouvert, ce qui, sur l’immense scène de ce théâtre, ne permet pas aux voix des chanteurs de se projeter dans la salle mais a pour effet de les faire filer dans les cintres. Du neuvième rang de la salle, on n’entendait pas ce qui fait la caractérisation d’une voix, son volume, son timbre et, hormis pour Figaro et Susanna qui ont chanté au IV leur air à l’avant-scène, on ne fera donc aucun commentaire qualitatif sur les voix.


Décor spectaculaire, certes, qui bluffe dès l’Ouverture, pendant laquelle on peut découvrir les différents recoins du château d’Aguas-Frescas, une esthétique qui mêle allégrement les styles, allant d’un misérabilisme total pour les scènes du premier acte et la galerie du Comte au III, à un bric-à-brac frisant le mauvais goût pour les appartements de la Comtesse, qui donnent l’impression que le couple fait chambre commune... L’interprétation du jardin pour le mariage à la fin du III et au IV est beaucoup plus habile, avec tous les artifices de la fête (un mariage digne de celui du premier acte de Don Giovanni) et permet surtout à l’action si compliquée d’être parfaitement lisible, qualité rare et majeure.


La régie de David Bösch, metteur en scène de théâtre venu secondairement à l’opéra, dont c’était les débuts au DNO, appelle autant de compliments que de réserves. Il s’agit d’un magnifique travail de direction d’acteurs et si – hélas! – les chanteurs ne brillaient pas par leurs qualités vocales pour des raisons acoustiques, leur travail de comédiens dans tous les rôles sans exception était admirable. La réserve est d’avoir voulu non seulement mélanger les époques, ce qui est devenu un tic de metteur en scène dont certains se sortent bien, mais aussi ne pas respecter les rapports de la hiérarchie sociale qui est la raison même de la pièce de Beaumarchais, même si l’adaptation de Lorenzo da Ponte l’édulcore un peu, ce qui ne donne aucun résultat crédible. On ne peut traiter à moitié ce sujet prérévolutionnaire sur les rapports entre maîtres et valets, entre les différentes strates de la société au XVIIIe siècle. Il y a certes des moyens de transposer un tel sujet, bien que cela perde complétement son intérêt historique, dans d’autres sociétés, sous d’autres cieux, chez d’autres races, mais on ne peut pas rendre la pièce crédible si l’on enlève à certains personnages leur caractère propre. Comment le Comte Almaviva, Grand d’Espagne peut-il être crédible s’il est quasi-constamment montré en débardeur et pantalon de training, la clope au bec, la coupe de champagne à la main (on boit beaucoup dans ce château, et dès le petit matin...). D’autant qu’au II, on lui restitue ses attributs aristocratiques en costume de chasse. Mais cela n’est pas le pire. Si quelques bonnes idées un peu inédites parsèment la mise en scène, quelques gamineries la disqualifient entièrement. Au III, dans le récitatif précédant son air «Hai già vinta la causa», le Comte Almaviva, qui est tout de même Grand Corregidor de Justice d’Andalousie et toujours en robe de chambre, s’acharne sur un domestique, l’obligeant à nettoyer du champagne qu’il verse par terre, puis sur lui avant de s’asseoir sur son dos pour commencer son air. On peut aussi se demander comment un chanteur aussi sensible et sérieux que l’est Stéphane Degout peut se laisser embarquer dans une telle option. Autre option absolument incompréhensible au IV, quand, à la fin de l’imbroglio, la Comtesse (Eleanora Buratto, assez peu aristocratique aussi) ayant donné son pardon, acte de rédemption final à lui seul clef de l’œuvre, se fait porter un fusil pour descendre son mari, empêchée in extremis par Susanna, qui lui tend une coupe de champagne.


Musicalement, on l’a dit, on a distingué au IV la belle voix, peut-être déjà trop mature pour Susanna, de la soprano allemande Christiane Karg et le Figaro très expérimenté, au timbre viril, d’Alex Esposito. Mais le point le plus faible reste pour nous celui de la direction musicale d’Ivor Bolton. Non que l’excellent Orchestre de chambre néerlandais ait démérité, mais on est habitué aujourd’hui à entendre dans les partitions des opéras de Mozart autre chose qu’un ronron bien mis en place avec des appoggiatures ajoutées aux endroits stratégiques des airs à succès. Le nerf de cette musique est la base même de la direction théâtrale et cela manquait cruellement. C’est une option, certes, mais surtout dans Les Noces de Figaro, il y a tout un suspens, un halètement qui doivent venir de la musique et un génie du continuo et qui sont complètement étrangers à ce chef britannique. Et cela est fort dommage!


Le spectacle en intégralité sur le site The Opera Platform:






Olivier Brunel

 

 

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