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Sous le signe de l’ouverture

Saintes
Abbaye aux Dames
07/16/2016 -  
Johannes Brahms : Ouverture tragique, opus 81
Anton Bruckner : Symphonie n° 6 en la majeur

Orchestre des Champs-Elysées, Membres du Jeune Orchestre de l’Abbaye, Philippe Herreweghe (direction)


P. Herreweghe (© Michiel Hendryckx)


A l’inverse de certains courtisans voisins qui se pressent depuis quinze ans à la suite de quelque pionnier du baroque pour imposer leur sectarisme itinérant dans des sacristies abandonnées, le festival de Saintes a depuis ses origines, il y a plus de quatre décennies, cultivé le décloisonnement des répertoires et des pratiques, toujours à la quête d’une authenticité renouvelée. Figure historique du rendez-vous saintongeais, Philippe Herreweghe, biberonné à Bach, illustre admirablement cette ouverture d’esprit en refermant l’édition 2016 par un programme placé sous le signe du romantisme tardif, sur instruments d’époque, avec l’Orchestre des Champs-Elysées, en résidence dans feu la région Poitou-Charentes – et désormais Nouvelle-Aquitaine (sic).


Après une longue minute de silence observée en ce premier jour de deuil national résonnent les accents inauguraux de l’Ouverture tragique de Brahms. Si l’écoute ne doit pas céder à l’induction circonstancielle, la puissance un peu lourde du tutti initial ne peut cependant être éludée. On sait combien l’acoustique de l’abbaye se révèle plus favorable aux cantates qu’aux grandes partitions symphoniques; pour autant, elle n’empêche point de mesurer le refus du chef flamand de réduire Brahms à son orchestration parfois compacte, lequel met en valeur un appréciable étagement des pupitres, et laisse s’épanouir la maîtrise des instrumentistes – où se comptent dans les cordes des membres du Jeune Orchestre de l’Abbaye, dans une salutaire émulation générationnelle.


Avec Nikolaus Harnoncourt, Philippe Herreweghe appartient à ces baguettes estampillées baroqueuses qui furent parmi les premières à oser s’aventurer dans le corpus brucknérien. Réputée moins accessible aux novices que d’autres symphonies du maître de Saint-Florian, la Sixième souffre quelque peu de l’aura de ses voisines, même si elle revient récemment en grâce dans les salles. A la transcendance mystique élevée par certains au rang de référence dans Bruckner, la lecture ici proposée privilégie une sobriété humaniste, sensible à la lumière de la partition, plus qu’à son architecture sans doute. Les contrastes de registres s’en trouvent adoucis, dans le fil d’une transformation continue du matériau mélodique, émoussant parfois le sens de la construction. Dans le premier mouvement, Majestoso, le geste néglige parfois le fini de certains motifs, suspendant en extase une trompeuse illusion d’allant, tandis que les cordes expriment une délicate tendresse dans ce même deuxième thème. L’Andante confirme une conception plus wagnérienne que brucknérienne, et fait respirer de beaux soli de bois, aux graves subtilement dessinés. D’une structure à la clarté évidente, le Scherzo souligne une vigueur des cuivres que ne démentira pas le finale, faisant çà et là chavirer une balance acoustique peu favorisée par les lieux, sans altérer néanmoins la valeur d’une phalange estimable, que le public saluera avec son chef.



Gilles Charlassier

 

 

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