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Les deux faces de Così

Aix-en-Provence
Théâtre de l'Archevêché
06/30/2016 -  et 2*, 5, 8, 11, 13, 15, 17, 19 juillet 2016
Wolfgang Amadeus Mozart : Così fan tutte, K. 588
Lenneke Ruiten (Fiordiligi), Kate Lindsey (Dorabella), Sandrine Piau (Despina), Joel Prieto (Ferrando), Nahuel di Pierro (Guglielmo), Rod Gilfry (Don Alfonso)
Cape Town Opera Chorus, Marvin Kernelle (préparation), Freiburger Barockorchester, Louis Langrée*/Jérémie Rhorer (direction musicale)
Christophe Honoré (décors), Alban Ho Van (décors), Thibault Vancraenenbroeck (costumes), Dominique Bruguière (lumières)


(© Pascal Victor/Artcomart)


Asmara, capitale de l’Erythrée, 1935. L’Italie occupe le pays depuis plus de quarante ans. Mussolini rêve d’y envoyer des milliers de colons pour tirer profit du territoire ; il fait exercer une répression sévère sur la population locale. Pour sa troisième production lyrique (après Pelléas et Mélisande et Dialogues des Carmélites à Lyon), le cinéaste Christophe Honoré a choisi de transposer Così fan tutte dans ce contexte historique très particulier. Guglielmo et Ferrando sont ici des soldats de l’armée fasciste italienne, qui n’ont aucun scrupule, comme d’ailleurs leurs congénères, à maltraiter les locaux, allant jusqu’à les abuser sexuellement. Fiordiligi et Dorabella sont les filles de colons italiens installés dans la région. Bien qu’elles soient fiancées aux deux garçons, elles s’amusent à admirer les beaux soldats qui passent dans la rue en lançant œillades et soupirs. Le propos du metteur en scène est cohérent et convaincant, d’autant que, pour suivre le stratagème ourdi par Don Alfonso, les deux jeunes hommes se déguisent en soldats dubats (mercenaires africains enrôlés dans les troupes coloniales italiennes), ce qui rend, pour une fois, parfaitement plausible le fait qu’ils ne soient pas reconnus par les deux filles. Et ce qui rend tout aussi crédible le rejet – initial – des deux sœurs face à ces étrangers, une fille de bonne famille ne pouvant décemment nouer des contacts avec un Noir, pour riche et séduisant qu’il soit. Le parti pris peut paraître audacieux, mais la transposition fonctionne, quand bien même, par sa violence ainsi que son évocation de la colonisation et du racisme, la production fait l’impasse sur les aspects plus légers, comiques et ironiques du chef-d’œuvre de Mozart, qui sont nombreux.


Des aspects qui se retrouvent pleinement, eux, dans la direction musicale de Louis Langrée, à la tête de l’Orchestre baroque de Fribourg, le chef privilégiant les tempi alertes et les sonorités aériennes et enjouées ainsi que la délicatesse et la finesse. Così à Aix version 2016, c’est la tragédie sur scène et la comédie en fosse. La distribution vocale est clairement dominée par les deux « sages ». Sandrine Piau incarne une Despina aussi truculente que sensuelle, à la musicalité parfaite et à la veine comique indéniable. Si l’usure de la voix est désormais perceptible chez Rod Gilfry, son Don Alfonso frappe cependant par son coté à la fois sarcastique et désabusé. Les deux couples d’amoureux sont interprétés par de jeunes chanteurs qui, sans disposer de moyens exceptionnels, n’en demeurent pas moins attachants dans leur rôle. Malgré un timbre un peu dur et âpre, Lenneke Ruiten est une Fiordiligi émouvante et vibrante. En Dorabella, Kate Lindsey séduit par la rondeur de sa voix et par son jeu de jeune fille un peu rebelle. S’il n’est peut-être pas le plus ardent des amoureux (son « Un’aura amorosa » manque d’éclat), le Ferrando de Joel Prieto convainc par sa grâce et sa fragilité, tout le contraire du Guglielmo beaucoup plus assuré de Nahuel di Pierro, aux beaux graves sonores.



Claudio Poloni

 

 

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