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Philippe Leroux, compositeur géologue

Paris
Centre Pompidou
07/02/2016 -  
Beat Furrer : Aer
Philippe Leroux : Postlude à l’épais (création) – Vol(rex)
Ofer Pelz : marchons marchons
Rebecca Saunders : Shadow

Donatienne Michel-Dansac (soprano)
Meltar Ensemble, Pierre-André Valade (direction)


P. Leroux (© Pierre Raimbault)


C’est dans la grande salle du Centre Pompidou qu’a eu lieu ce concert de clôture du festival ManiFeste 2016, interprété par l’Ensemble Meltar, venu de Tel Aviv.


Aer (1991) de Beat Furrer (né en 1954) «traduit [...] à sa manière des "images de stase" en explorant la relation entre temps et mouvement. La stase est à la fois état et processus, tantôt forme extrême d’immobilisme, tantôt processus de réduction du mouvement jusqu’à l’arrêt.» Une pièce toute en délicatesse, comme taillée dans l’étoffe du songe. Les sonorités étouffées du piano, les textures feutrées des cordes sur lesquelles se greffent les aigus au bord de l’évanouissement émis par la clarinette, constituent une excellente invitation à l’écoute, aussi bien de l’œuvre en elle-même que de l’ensemble du concert. Hélas, ni Shadow (2013) «pour piano solo avec pédale sostenuto», montrant Rebecca Saunders (né en 1967) aux prises avec une écriture pour clusters assez datée, ni le bavard marchons marchons (2015) d’Ofer Pelz (né en 1978) ne laissent grande impression.


Le héros de la soirée, c’est bien Philippe Leroux (né en 1959), dont étaient proposées deux pièces. Postlude à l’épais, en création, requiert seulement cinq instruments (flûte, clarinette, piano, violon et violoncelle), mais la présence d’un chef – le précis Pierre-André Valade – s’impose pour coordonner les entrées en tuilage. Au travail sur le timbre issu du mouvement spectral, Leroux adjoint, dans une optique plus synthétique, un travail sur les timbres en incorporant, notamment au début, des sons à la limite du bruit blanc. D’abord riche en harmoniques impurs, la pièce s’achemine vers davantage de «pureté», à l’image du piano enfin exploité dans tout son ambitus et sa puissance sonore.


Vol(rex) pour voix, flûte, clarinette, piano, percussions, violon, violoncelle et dispositif électronique, date de 2002. Donatienne Michel-Dansac en assure la partie vocale, fondée sur des poèmes de Lin Delpierre. Celui qui déclare «plus je réfléchis à notre métier de compositeur, plus je le considère à l’image de celui du géologue: comme l’exploration d’une superposition de strates de différents niveaux d’organisation» se propose d’explorer les rapports structurels et acoustiques qui unissent le texte et la musique. Aussi les poèmes sont-ils employés «comme matériau phonétique et suggèrent de nombreux figuralismes». On retrouve par endroits (quinze ans avant Postlude à l’épais) les mêmes préoccupations entre bruit et son, de la «voix bruitée [...] à la voix chantée». L’électronique y apporte ses timbres d’au-delà (filtrage, temps réel, synthèse croisée...) tandis que Donatienne Michel-Dansac habite sa partie avec virtuosité, jusqu’à lier le geste (écriture des mots dans l’air) à la parole. On déplorera, dans le programme de salle, l’absence des textes, indispensables à une compréhension optimale des intentions du compositeur.


Sans doute le rapport le plus étroit tissé entre la thématique du festival – l’Art pauvre – et la programmation se trouvait-il dans le concert de musique de chambre du jeudi 30 juin au même endroit, où étaient jouées notamment des œuvres pour flûte seule de Salvatore Sciarrino (né en 1947) et le Salut für Caudwell (1977) pour deux guitaristes de Helmut Lachenmann (né en 1935). Ces deux compositeurs ont en commun d’avoir inventé en quelque sorte leur propre vocabulaire musical. En guise de conclusion, Franck Madlener (directeur de l’Ircam) a cité un extrait du texte de Christopher Caudwell psalmodié dans la pièce de Lachenmann: «Nous vous demandons simplement d’accorder l’art et la vie». On y ajoutera ce que dit Matteo Cesari – l’excellent flûtiste des pièces de Sciarrino – au sujet de «l’écologie de l’écoute» impliquée par la musique du Sicilien: «Ecouter un fortissimo ou un pianissimo, c’est écouter un même volcan en pleine éruption, mais à 3 cm de l’oreille dans le premier cas et à 3 km dans l’autre. C’est la même intensité, mais à distances variables.»


On prolongera avec les yeux l’expérience de l’Arte povera grâce à l’exposition proposée en parallèle par le Centre Pompidou (jusqu’au 29 août).



Jérémie Bigorie

 

 

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