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Un héros discret mais reconnu

Vienna
Musikverein
06/04/2016 -  et 5* juin 2016
Thomas Larcher: Symphonie n° 2
Richard Strauss: Ein Heldenleben, opus 40

Rainer Honeck (violon solo), Wiener Philharmoniker, Semyon Bychkov (direction)


S. Bychkov (© Chris Christodoulou)


L’agenda du neuvième concert d’abonnement du Philharmonique de Vienne rappelle quelque peu celui dirigé par Valery Gergiev en février: tout d’abord une pièce contemporaine autrichienne, composé à l’intention de l’orchestre, puis en seconde partie un imposant standard postromantique allemand. La Deuxième Symphoniede Thomas Larcher (né en 1963) est une commande de la Banque nationale d’Autriche, par laquelle le compositeur cherche à exprimer une certaine colère vis-à-vis de la tragédie migratoire en cours en Europe. Bien que d’apparence notablement contemporaine, on note en fait une forme et un langage d’inspiration très classique: quatre mouvements qui correspondent aux canons du XIXe siècle, des formes ABA et rondo, des harmonies principalement tonales, utilisant des références probables à Bruckner, Richard Strauss, voire Bach, et un recours fréquent à des mouvements chromatiques contraires ou à des dédoublements rythmiques. Rien a priori de subversif pour le public des abonnés assistant à la création de l’œuvre – il est donc surprenant d’entendre percer quelques huées alors que le compositeur salue sur scène, tumulte promptement couvert par les vivats de spectateurs soucieux d’étouffer un scandale qui viendrait troubler les habitudes du dimanche matin.


Retour au confort du répertoire familier après la pause, de nombreux sièges vides retrouvant semble-t-il leurs propriétaires. Semyon Bychkov a enregistré au disque une fort belle version de l’œuvre, et on pouvait légitimement être impatient de l’entendre avec les Philharmoniker. Il y avait en effet matière à être impressionné! Le héros mis en scène par Bychkov est un homme d’honneur estimable, et non une sorte de don Quichotte exalté et fanfaron. Etonnamment, une bonne part des dynamiques se cantonnent autour d’un mezzo forte agréable, évitant les fanfares tonitruantes et piano faussement mystiques. Loin d’être un défaut, la pièce y gagne en coloris subtils et en nuances harmoniques. Travaillant avec précision les transitions entre les épisodes, Bychkov crée une immense fresque sonore qui rejette l’anecdotique et se concentre sur l’essence de la personnalité du héros. Les musiciens, portés par cette vision, développent une opulente sonorité, et chacun des solistes (cor, konzertmeister) s’exprime avec jouissance au milieu de ses pairs. Le public, conscient de la prestation exceptionnelle à laquelle il vient d’assister, réserve alors une ovation émue au chef: les applaudissements démarrent timidement, près d’une demi-minute après l’extinction du dernier accord, à la fois respectueux et abasourdis – les acclamations enflent petit à petit, semblant ne plus devoir s’arrêter. Les musiciens ont désormais pour la plupart quitté la scène, seuls quelques-uns sont encore occupés à nettoyer leurs instruments; une partie du public est déjà dans la rue; les rappels se font cependant de plus en plus impérieux obligeant Semyon Bychkov à réapparaître, radieux, pour saluer encore et encore. Et si le héros de l’œuvre n’était pas le compositeur comme le veulent les musicologues, mais en fin de compte Semyon Bychkov?



Dimitri Finker

 

 

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